Dans une région ultraconservatrice, le révolté Hocine Boukella alias Cheikh Sidi Bemol, a enflammé les foules à l'occasion d'un concert animé jeudi dernier à Constantine. Ça s'est passé dans l'ancienne salle de cinéma "l'ABC ", qui malheureusement (signe des temps) a été depuis peu reconvertie en salle de spectacles. Une autre perte pendant que le ministère de la Culture jure par tous les saints de réhabiliter les quelques espaces sombres de notre contrée. Boukella qui a signé en mars dernier un nouvel opus au titre pittoresque, "Paris-Alger-Bouzeguène ", a été accueilli en véritable vedette par la population de la ville des ponts venues nombreuse l'acclamer. Evénement donc pour cet artiste inclassable qui, pour la première fois, rencontre un public autre que celui qu'il a l'habitude de rencontrer soit à la capitale soit en Kabylie ou encore à l'étranger. Les spectateurs n'avaient d'yeux ni d'oreilles que pour le "Cheikh" qui, malgré son nom de scène, n'a pris aucun coup de vieux, loin de là. L'entrée en matière laissait présager une soirée rythmée où les mélodies orientales puisées du fond du terroir épousent salsa, groove et autre reggae dans une communion peu commune et tellement réussie. Bien sûr que le chanteur a puisé dans ses classiques comme " Walou " ou encore " El Bandi " mais, il a également servi quelques uns des titres de sa toute nouvelle matière sortie chez Belda. Même si ces titres ont été réalisés en langue amazighe, les constantinois avaient tout de même apprécié les sonorités un peu celtique un peu groove de ce musicien pas comme les autres. La preuve, c'est qu'il a été littéralement applaudi et a même ému certains qui en redemandaient encore. Il faut savoir que la dernière œuvre du " Cheikh " est largement empreinte de notes nostalgiques, bercée par des rythmes tantôt joyeux, tantôt mélancoliques, le tout inspiré d'une fusion de différents airs de musique. Comprenant onze titres, le septième album de Cheikh Sidi Bémol, par lequel il a prévu d'ailleurs un large agenda culturel dont celui de Constantine, est un véritable voyage de la Bretagne à la Kabylie et de l'Irlande au Sahara, à travers ses sonorités festives et chaleureuses. " A travers ce nouvel album, j'ai voulu saluer tous les gens de ma région natale Bouzeguène de Tizi-Ouzou, les amis d'enfance, les cousins et cousines. Cet opus se veut également un hommage à mon père décédé en 2003", a déclaré l'artiste à la presse. On n'oubliera jamais quelques uns de ses titres, à l'exemple de son violent Saâdiya, le fougueux El Bandi ou encore l'inoubliable Walou. Il paraphe son premier opus en 1998, puis suivront alors une panoplie d'albums, dont le mémorable El Bandi en 2003, qui fait définitivement asseoir par son originalité l'artiste dans l'arène grouillante du lyrisme de bonne fusion. En 2007, il propose à son public un titre populeux Gourbi Rock, avant de signer le générique de fin, en 2008, du film Mascarades, de Lyès Salem, avec le titre Ma kayen walou kima l'amour. Le Cheikh unit, réunit et rassemble autour de la musique des univers différents et des conceptions différentes du monde. Il rejette le conformisme et opte pour l'originalité avec des titres comme Swa Swa, où la fusion berbéro-celtique atteint les cimes de la beauté, ou encore Sahara, qui joint les musiques du désert à celles de la Bretagne, avec, au départ, une intro-rock. Oussan, le titre qui ouvre l'album, est à caractère méditatif et sobre. Une chanson qui permet à Cheikh Sidi Bémol de montrer toutes ses capacités et autres aptitudes vocales. Hocine Boukella, a travaillé avec un grand nombre de musiciens membres du collectif Louzine, notamment son frère, le grand bassiste et fondateur de l'Orchestre national de Barbès, Youcef Boukella, ou encore le guitariste Khliff Miziallaoua, le talentueux batteur, Karim Ziad, Abdennour Djemaï, et Karim Branis qui a, entre autres, signé un duo avec lui sur la chanson Boudjeghlelou. Paris- Alger-Bouzeguène est un album qui se savoure et s'écoute dans les moments de joie et même de peine, parce qu'il procure pêche et énergie et (re)donne le sourire à celui qui l'écoute. Hocine Boukella, alias Cheikh Sidi Bémol, alias Elho, ex-biologiste, ex-comptable, ex-bibliothécaire, ex-peintre en bâtiment, ex-ex, est un musicien et dessinateur autodidacte. Depuis 1985, il vit à Paris où il est venu préparer un doctorat qu'il abandonne en 1988 pour se consacrer entièrement à ses deux passions : le dessin et la musique. Il exerce divers petits boulots, publie des recueils de dessins et participe en tant que graphiste, parolier ou musicien à divers albums dont Youcef, Gnawa Diffusion, ONB, Djamel Laroussi, Takfarinas....Il fonde le groupe Sidi Bémol en 1992 et enregistre son premier album en 1998.