Des affaires liées au blanchiment d'argent sont actuellement au niveau des différentes juridictions du pays. Pour les juger, les magistrats s'appuient sur les instruments juridiques existants, à savoir la loi sur le blanchiment d'argent, élaborée en 2004, et la loi sur la lutte contre la corruption, approuvée en 2006. Cela est-il suffisant pour contrer ce fléau transnational ? De l'avis des experts, l'application des lois en vigueur pose problème. Détecter le « délit » de blanchiment d'argent n'est pas toujours aisé. Ainsi, afin de parer aux difficultés rencontrées sur le terrain et combler les failles de notre législation, le ministère de la Justice a fait appel à deux magistrats français, Charles Duchaine et Marc Rivet, qui assurent, depuis hier, une formation de deux jours au profit de 25 magistrats algériens (juges d'instruction, juges de sections et des chambres pénales). Les deux magistrats sont venus, comme ils l'ont affirmé hier, présenter l'expérience française dans la lutte contre le blanchiment d'argent. Vice-président en charge de l'instruction près le tribunal de grande instance de Marseille, Charles Duchaine estime que le problème ne se pose pas au niveau des textes de loi, mais plutôt dans les moyens d'application. Il trouve même que la législation algérienne en la matière est non seulement en conformité avec les normes et les conventions internationales, mais elle est « un produit plus fini », « plus claire, facile à lire et moins encombrée ». Elle est, selon lui, l'aboutissement d'un travail réalisé sur la base de différents textes de loi en vigueur dans d'autres pays comme la France. « La définition du code algérien du blanchiment d'argent correspond à la définition de la convention de l'ONU de décembre 2003 », observe-t-il. Mais, à ses yeux, avoir de bons textes ne suffit pas. Il faut également mettre les moyens logistiques pour les appliquer. Cela nécessite, toujours d'après lui, une volonté politique et des compétences. « Nous sommes là pour aider les magistrats, à travers notre expérience sur le terrain, à agir plus efficacement dans ce genre d'affaires », indique-t-il, tout en espérant que cette coopération s'étendra au traitement des affaires elles-mêmes. Charles Duchaine a évoqué au passage une affaire de blanchiment d'argent qui est actuellement au niveau du tribunal de Marseille dans laquelle sont impliqués des Algériens, sans vouloir donner plus de détails. De son côté, Marc Rivet, vice-procureur près le tribunal de grande instance de Marseille, estime que ce séminaire est une opportunité pour aller vers une « coopération opérationnelle » entre les justices algérienne et française. Il est encore plus important de renforcer une telle coopération du fait de l'ampleur que prend le phénomène de blanchiment d'argent. Phénomène qui constitue, d'après lui, une « sérieuse menace » pour les pays sous-développés en ce sens que « les auteurs de ce genre de délit sont aussi capables d'infiltrer les économies de ces pays, leur administration et peuvent aller jusqu'à changer le pouvoir en place ». C'est ainsi qu'il relève l'importance de récupérer « l'argent produit aux moyens d'infractions ». Il souligne que le blanchiment d'argent est « l'aboutissement du processus criminel organisé qui rationalise le crime en lui donnant une dimension économique particulièrement cohérente, de même qu'il comporte un risque évident d'infiltration des milieux criminels dans les activités économiques et dans la vie publique ». M. Rivet explique que, pour contrer ce phénomène, la France a, depuis deux ans, appliqué une démarche appelée « Mécanisme de vigilance ». Cette démarche consiste à associer les différentes parties, à savoir les banques et les professionnels du chiffre, du droit et du placement, pour permettre de détecter les opérations qui peuvent être frauduleuses. La législation française, relève-t-il encore, contraint le banquier à relever toute opération suspecte. « Nous voulons faire gagner du temps à l'Algérie en présentant notre expérience sur le terrain, les insuffisances de nos textes, les difficultés rencontrées lors de leur application et leurs failles, puisque la France a plus d'expérience dans l'application des lois de lutte contre le blanchiment d'argent », nous a indiqué M. Rivet, pour lequel la législation algérienne « est différente de l'actuelle législation française, mais très proche de celle d'il y a dix ans ».