Depuis sa mise en place, il y a une année, le pôle judiciaire spécialisé d'Alger a eu à traiter une cinquantaine d'affaires ayant trait au terrorisme, trafic de stupéfiants, crime organisé et blanchiment d'argent. “Ces affaires évoluent très bien et nous avons l'intention d'organiser le premier procès dans une quinzaine de jours”, a déclaré le procureur général d'Alger au cours d'une conférence de presse qu'il a animée en marge d'un séminaire régional sur “la lutte contre le crime dangereux” tenu à l'hôtel El-Djazaïr à l'initiative de la cour d'Alger. Il refuse, toutefois, de donner des détails sur ce procès sous prétexte que l'arrêt de renvoi est encore en phase de finalisation : “Ce sont des dossiers assez spéciaux de par la nature des affaires, des faits, des personnes impliquées et leurs conséquences sur la société”. L'importance des pôles spécialisés au nombre de quatre, en l'occurrence celui d'Oran, Ouargla, Constantine et Alger réside, selon le procureur général, dans l'extension de leur compétence territoriale et la spécialisation des magistrats qui ont reçu une formation en France, en Belgique et localement au niveau de l'école supérieure de la magistrature. Il précise que les pôles spécialisés, contrairement aux juridictions d'exception, fonctionnent selon les règles de procédures judiciaires ordinaires dont l'audience publique, l'instruction et le respect des droits de la défense. Concernant les attentats d'Alger, le procureur général confirme qu'ils figurent parmi les affaires sur lesquelles le pôle judiciaire spécialisé d'Alger se penche : “C'est un dossier qui évolue normalement”. Abordant le thème des nouvelles formes de criminalité, il pense que l'activité terroriste vient en premier lieu, suivie de trafic de drogue qui est “une criminalité bien structurée qui dispose de sommes d'argent colossales et autour de laquelle se greffe une multitude de crimes tels que le blanchiment d'argent et les petits vols liés à la consommation de la drogue”. Il ajoute que les pôles judiciaires spécialisés s'occupent également de mouvement de capitaux, infractions à la législation de monnaie et changes et des atteintes à l'économie nationale. “Démanteler ce genre de réseaux n'est pas chose facile”. Sur l'existence de groupes finançant le terrorisme à Alger, le procureur général réplique : “la lutte contre la criminalité est un combat de longue haleine, mais je ne peux pas dire qu'il y a, à Alger, des filières alimentant le terrorisme. Je ne peux pas être catégorique.” Il est d'avis que les “dossiers ayant une relation avec le terrorisme ont diminué grâce aux effets de la réconciliation nationale et aussi le travail des services de sécurité qui ont acquis une grande expérience dans la lutte contre le terrorisme et les autres formes de crime”. S'agissant de l'application des dispositions de la charte pour la paix et la réconciliation nationale, le procureur général déclare “qu'il n'y a aucun dossier en souffrance au niveau de la cour d'Alger”. Pour ce qui est de la coopération judiciaire avec d'autres pays, il fait remarquer qu'il y a pas “mal de commissions rogatoires” tout en qualifiant la collaboration de “timide et embryonnaire”. Quant aux nouvelles méthodes d'investigation de la police judiciaire, autorisées à la faveur du code pénal de 2006, il tient à souligner qu'elles s'effectuent sous contrôle strict du procureur et sont soumises à son autorisation. Interrogé sur la source de financement de la couverture des policiers chargés d'infiltrer des groupes de gang, il répond que c'est “une question opportune qui sera posée lors de cette rencontre, mais côté loi, le problème ne se pose pas”, précisant que “le ministère public et le magistrat compétent contrôle l'égalité des actes des agents de la police judiciaire”. Pour sa part, le directeur des affaires pénales au niveau du ministère de la justice, a affirmé que le but de cette rencontre régionale sur les grands crimes est de faire l'évaluation d'une année d'activité des pôles judiciaires spécialisés et deux années d'utilisation de nouvelles méthodes d'investigation de la police judiciaire estimant que “les statistiques pénales donnent une lecture positive de la lutte contre la criminalité, mais que le citoyen reste le véritable baromètre”. Nissa Hammadi