Penser le processus de valorisation du patrimoine biologique national consiste en fait, à concevoir des politiques hardies capables d'articuler, dans une perspective favorisant les remontées écologiques salutaires, le capital biologique existant, les territoires, les communautés rurales et les savoir, faire qu'il faudrait réhabiliter et réinterpréter à la lumière des sciences agronomiques et sociales modernes. C'est du moins ce qui ressort d'une récente étude du Greedal. Le document précise que le patrimoine biologique algérien est essentiellement associé à un espace physique marqué par l'aridité climatique et l'exiguïté des espaces exploitables. Les parcours et les forêts constituent la grande partie, soit quarante millions d'hectares, des espaces destinés aux activités agro-sylvo-pastorales. Le territoire valorisé par l'agriculture, évalué à huit millions d'hectares, est l'apanage d'une diversité de milieux où l'on retrouve une variabilité génétique importante. La position biogéographique de l'Algérie et la structure de ses étages bioclimatiques font de ses terroirs un gisement relativement important de ressources biologiques qui a eu à subir, par ailleurs, l'influence de diverses civilisations, en termes de flux, d'introduction et de pillage d'espèces, de taxons et de types génétiques croisés. Les pratiques agricoles héritées de ces brassages successifs de populations, porteuses de savoir-faire, ont contribué, de bien des façons, à l'enrichissement et à l'originalité de cet environnement agricole et culturel. Mais, poursuit le Greedal, à l'instar des tendances observées à l'échelle mondiale, confirmées par les divers sommets de la terre (Stockholm, Rio et Johannesburg), l'Algérie connaît un rythme rapide de dégradation de la diversité biologique et agricole. Bien que la disparition de variétés végétales et de types de populations animales soit un phénomène naturel, son accélération, ces dernières décennies, induite par les pressions exercées par le développement des activités humaines et les transformations socio-économiques, a été à l'origine de la rupture des équilibres naturels, de la dégradation des biotopes et de l'érosion génétique chez beaucoup d'espèces, ce qui peut constituer un motif de préoccupation pour les pouvoirs publiques et les communautés rurales. En Algérie, les pertes des taxons cultivés avoisinent moyennement les 59 % et celle des animaux à 56 % (2). Cette situation ne va pas sans induire des incidences sur l'alimentation des populations et les tendances enregistrées, ici et là, peuvent devenir impérieuses et préoccupantes. L'allusion est, dans notre cas, faite aux nombreuses et infructueuses tentatives d'organiser notre agriculture. Les politiques agricoles mises en œuvre depuis le début des années 70 ont appréhendé le développement agricole sans des préalables de consensus et de combinaisons intelligentes pour préserver la diversité biologique. Dans tous les cas il faudra relever qu'au regard des politiques agricoles et du modèle de planification du développement agricole, adoptés depuis le début des années 70, les perspectives de valorisation de la diversité des territoires, des ressources biologiques et du dynamisme de la société rurale ont été reléguées au second plan, au profit d'approches marquées du sceau du "productivisme" et du "technicisme" béats dont on mesure aujourd'hui les effets dépréciateurs. Aussi, la conservation et la valorisation de types génétiques originaux apparaît, aujourd'hui, comme une impérieuse nécessité. Ceci est d'autant plus vrai que l'Algérie devra faire face aux obligations découlant de la ratification de la convention internationale sur la biodiversité. Mais cette valorisation des ressources biologiques nationales ne saurait se faire en rupture avec le dynamisme des communautés rurales et les écosystèmes qui constituent, en dernière instance, les supports humains et physiques de la biodiversité.