Le prix du pétrole a enregistré une baisse d'environ 20% depuis un niveau record établi début mai de 87,15 dollars le baril des 18 derniers mois. Le marché pétrolier a subit trois semaines de violente dégringolade, mais les opérateurs échaudés remettaient en question leurs attentes de demande d'énergie à la lumière de la crise européenne. Après trois semaines de chute, le marché pétrolier a connu vendredi une nouvelle séance d'hésitations, accompagnant le va-et-vient des actions. Sous la pression des Bourses dans la matinée, il revenait dans le vert dans leur sillage. Les Bourses européennes se sont en effet reprises en fin d'échanges européens, alors qu'elles avaient ouvert en forte baisse, déstabilisées par les déficits budgétaires en zone euro et les dissensions sur la gestion de la crise. Facteur de soutien pour le pétrole, l'euro a en revanche passé la journée en hausse face au dollar, porté par l'espoir que la réunion des principaux ministres européens des Finances vendredi à Bruxelles débouchera sur de nouvelles mesures pour enrayer la crise de la dette en Europe. Malgré ce semblant de stabilisation, le marché du pétrole pansait ses plaies: en l'espace de trois semaines, les cours ont perdu 20% de leur valeur, passant de près de 90 dollars à environ 70 dollars, victimes du fort pessimisme qui s'est emparé de tous les marchés. "La reprise américaine pourrait flancher, l'Europe est dans la tourmente et la Chine veut raccourcir les rênes d'une économie qui s'emballe", résume David Hufton, analyste chez PVM. Avec les secousses de la crise de la dette européenne, un doute s'est en effet instillé chez sur le marché: les restrictions budgétaires auxquelles l'Europe devra se plier pourraient faire caler la reprise, voire rechuter l'économie mondiale en récession. Deux indicateurs inquiétants ont alimenté ce doute: une remontée surprise des nouvelles inscriptions au chômage aux Etats-Unis pour la première fois en cinq semaines, et un fort recul de l'indice composite des directeurs d'achats (PMI) de la zone euro en mai. A New York, le brut pour livraison en juin, un contrat dorénavant expiré, a plongé jeudi jusqu'à 64,24 dollars, son plus bas niveau depuis le 30 juillet 2009. A Londres, le Brent de la mer du Nord arrivant à échéance en juillet avait touché 70,20 dollars, un plus bas depuis début février. Les analystes s'accordent en général à penser que le marché subit une correction "méritée", car les cours avaient grimpé trop fort pour un marché amplement approvisionné, si ce n'est en excédent. Mais pour Olivier Jakob, fondateur du cabinet genevois Petromatrix, un autre facteur accentue la dégringolade des cours: comme à l'automne 2008, après la faillite de la banque américaine Lehman Brothers, les investisseurs sont en proie à la panique et ils cherchent par tous les moyens à réduire leurs risques en fermant des positions. "Il est trop tôt pour identifier un prix plancher pour le pétrole brut, sachant que les marchés restent fortement agités", juge ainsi M. Jakob. Pour Julian Jessop, analyste chez Capital Economics, les prix pourraient chuter jusqu'à 60 dollars d'ici la fin de l'année. Après le passage des prix sous les 70 dollars cette semaine, "l'Opep pourrait être contrainte de revisiter ses niveaux de quotas pour soutenir les cours à court terme", juge Myrto Sokou, chez Sucden. Les ministres libyen et algérien du Pétrole ont toutefois écarté cette semaine la tenue d'une réunion extraordinaire de l'organisation. Notons que de son côté, le premier ministre russe Vladimir Poutine a estimé qu'un prix du pétrole oscillant entre 70 et 80 dollars le baril est parfaitement acceptable pour l'économie et les milieux d'affaires russes. "Les prix du pétrole situés au niveau de 70 à 80 dollars le baril sont tout à fait corrects, car ils permettent un développement normal des compagnies russes et assurent les recettes nécessaires au budget", a-t-il estimé. M.Poutine a rappelé que les recettes budgétaires de 2010 avaient été calculées en partant du prix de 58 dollars le baril.