L'"accord de Téhéran" sur le nucléaire iranien est une occasion qu'il ne faut pas gâcher, a déclaré jeudi le président brésilien Inacio Lula da Silva lors d'une conférence de presse à Brasilia. Cet accord, fruit d'une médiation menée par le Brésil et la Turquie, porte sur un transfert vers la Turquie de 1.200 kg d'uranium iranien faiblement enrichi. En échange, la république islamique recevrait du combustible pour son réacteur servant à des recherches médicales à Téhéran. Mais les puissances du P5+1 (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'Onu et l'Allemagne qui sont impliqués dans la gestion de la crise du nucléaire iranien) doutent de la sincérité de Téhéran. Washington y voit une manoeuvre iranienne pour gagner du temps alors que le P5+1 s'est mis d'accord sur un projet de résolution portant sur nouvelles sanctions contre Téhéran qui a été remis au Conseil de sécurité. Lula, qui a continué de prôner le dialogue et non la confrontation avec Téhéran, avait à ses côtés lors de la conférence de presse le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, qui a participé lui aussi à la médiation. Erdogan a estimé devant les journalistes que dans le contexte de l'"accord de Téhéran", ce n'était pas du tout le moment de discuter de nouvelles sanctions à l'encontre de l'Iran. Les Etats-Unis, qui soupçonnent toujours Téhéran de vouloir se doter de l'arme atomique, ont obtenu voici quelques jours l'accord des cinq autres puissances du P5+1 sur un projet de résolution ouvrant la voie à un quatrième train de sanctions contre l'Iran depuis décembre 2006. Pour le chef du gouvernement turc en revanche, l'Iran a fourni à la Turquie des garanties sur le fait qu'il ne cherche pas à avoir la bombe atomique. Et Erdogan d'estimer que ceux qui critiquent l'"accord de Téhéran" sont des jaloux et sont précisément des pays déjà dotés d'armes nucléaires. A Washington, la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a de nouveau affiché jeudi son désaccord avec Brasilia. Les mesures obtenues par les pays comme le Brésil pour aider à la recherche d'une solution diplomatique sur le programme nucléaire iranien rendent selon elle le monde un peu plus dangereux. "Nous estimons qu'en cherchant à gagner du temps pour l'Iran, en permettant à l'Iran de ne pas faire face à un front uni international en ce qui concerne son programme nucléaire, on rend le monde plus dangereux, et non pas le contraire", a-t-elle dit. En vertu d'un accord Iran-Turquie-Brésil signé le 17 mai, Téhéran acheminera 1.200 kg de son uranium enrichi à 3,5% vers la Turquie en échange de 120 kg de combustible enrichi à 20%, pour ravitailler son réacteur de recherche médicale. Malgré l'accord, les Etats-Unis ont soumis une proposition au Conseil de sécurité pour demander l'adoption de nouvelles mesures de sanctions contre l'Iran. Le Premier ministre turc a mis en garde contre le risque d'encourager un conflit entre les civilisations, et défendu le rôle de la Turquie et du Brésil dans les efforts visant à trouver une solution au problème nucléaire iranien."En tant que membres non permanents du Conseil de sécurité, nous avons assumé notre responsabilité de chercher une solution négociée. Les pays qui la critiquent sont jaloux. Nous n'avons pas besoin de la permission de qui que ce soit pour agir", a déclaré M. Erdogan. "Nous croyons que (la négociation de l'accord) était le seul moyen de parvenir à la paix. Les réactions négatives proviennent de pays qui ont des armes nucléaires", a-t-il ajouté.