La question de la commercialisation par Sonatrach de gaz directement en Europe semble se heurter à des réticences de la part des partenaires européens. Le cas espagnol est pour ainsi dire révélateur de la frilosité de ces partenaires à voir la compagnie nationale entrer dans le marché gazier européen. D'ailleurs, cette situation a été dénoncée par le ministre de l'Energie et des Mines, M. Chakib Khelil, dimanche lors de son passage au forum d'El Moudjahid. Il a, à ce titre, souhaité que l'Algérie bénéficie, en termes de distribution de gaz sur le marché européen, des "mêmes traitements que les compagnies étrangères qui activent en Algérie". C'est-à-dire de "réciprocité". L'Espagne qui fait dans la discrimination à l'égard de Sonatrach en limitant à 1 milliard de m3 le volume de gaz à commercialiser, ne pose cependant aucune restriction aux 43 opérateurs étrangers qui ont obtenu l'autorisation de commercialiser leur gaz en Espagne. Pour rappel Sonatrach avait demandé de pouvoir vendre 3 milliards de mètres cubes. D'ailleurs, Sonatrach, qui a créé une société de droit espagnol pour la commercialisation directe de gaz, est toujours bloquée par ces restrictions. Mais peut-on considérer que l'Espagne est un cas unique, comme l'a souligné le ministre ? Tout porte à croire que cette attitude espagnole risque de s'étendre à d'autres partenaires européens, à l'image de la France. En effet, selon des sources françaises, la visite que devait effectuer le ministre de l'Energie et des Mines jeudi en France a été annulée. L'installation de Sonatrach sur le marché français de la distribution du gaz devait être au cœur de ce déplacement. M. Khelil devait également visiter le terminal de regazéfication de Montoire. Cette annulation dont les raisons n'ont pas été précisées, risque de retarder le lancement de la société de distribution de gaz que Sonatrach veut créer en France. A quelques mois de l'ouverture complète des marchés européens de l'énergie à la concurrence, la fibre protectionniste européenne s'affirme. A l'instar des espagnoles qui tergiversent dans leurs relations énergétiques avec l'Algérie, la France redoute l'arrivée sur son marché d'un "commercialisateur" comme Sonatrach capable, en peu de temps, devenir le plus compétitif. Il faut dire que dès l'annonce par l'Algérie de l'éventualité de créer une société de commercialisation en France, des voix se sont élevées pour dénoncer un danger pour GDF. D'ailleurs, la réaction de la compagnie française, à la proposition de Sarkozy, de l'adosser à Sonatrach, renseigne sur ses positions à l'égard de la compagnie nationale. L'Algérie table sur une augmentation importante des exportations de gaz algérien vers l'Europe après la mise en service du gazoduc Medgaz. Il est donc légitime que Sonatrach puisse avoir des vues sur ces marchés du gaz en tant que distributeur. Echaudés par l'exemple Gazprom, les pays de l'Europe se sont vite tournés vers l'Algérie qui représente un sérieux palliatif au fournisseur russe. Mais force est de constater que ces même pays, tout en profitant de la fiabilité de l'Algérie, tentent de restreindre le champ d'action de Sonatrach en Europe.