La croissance économique mondiale reste vulnérable aux risques posés par les dettes souveraines et à la possibilité d'une retombée en récession, a estimé lundi le Premier ministre chinois Wen Jiabao. "Certains disent que l'économie mondiale est déjà repartie et que nous pouvons désormais envisager des mécanismes de sortie (de crise). Je crois que ce jugement est prématuré", a déclaré le chef du gouvernement chinois, lors d'une visite de trois jours au Japon qui se terminera mardi. Le niveau élevé du chômage aux Etats-Unis et dans d'autres pays, ainsi que les risques liés aux dettes souveraines pourraient entraver la reprise et déclencher une rechute de la croissance, a-t-il dit. "Certains pays ont connu des crises de la dette souveraine, par exemple la Grèce. Ce phénomène est-il fini? Non, il ne semble pas que ce soit si simple. Nous devons prendre la pleine mesure des difficultés." "Certains demandent si une rechute de l'économie mondiale est possible. Je pense que nous ne pouvons pas répondre avec une certitude absolue. Aussi devons-nous suivre de près (l'évolution de la conjoncture) et agir pour prévenir une rechute", a par la suite déclaré Wen Jiabao. "L'économie mondiale est stable et commence à repartir, mais cette reprise est lente et il y a de nombreuses incertitudes et des facteurs déstabilisants." Wen Jiabao a livré ce panorama de l'économie mondiale et chinoise lors d'un discours qui n'a apparemment pas été prononcé à partir d'un texte écrit. La Chine a enregistré un excédent commercial de 1,7 milliard de dollars en avril, après un déficit de 7,2 milliards en mars. Avec les incertitudes du moment, il est d'autant plus important pour la Chine et les autres pays de ne pas supprimer les mesures de relance mises en place pour contrer la crise financière, a déclaré Wen Jiabao. "Dans les circonstances actuelles, tous les pays doivent coordonner et renforcer le soutien politique à l'économie. Il ne peut y avoir le moindre relâchement", a-t-il dit. "Pour faire en sorte que l'économie (chinoise) continue à croître à un rythme régulier et relativement rapide, nous devons maintenir un certain niveau d'intensité en ce qui concerne les mesures de soutien à l'économie." La croissance économique chinoise a atteint 11,9% au premier trimestre en rythme annuel. Wen Jiabao a dans le même temps promis de garder un oeil attentif sur l'inflation, orientée à la hausse ces derniers mois. Les prix à la consommation ont augmenté de 2,8% en avril en rythme annuel. L'objectif est de maintenir l'inflation à moins de 3% cette année, a rappelé le Premier ministre. "Réaliser cette tâche est un objectif important pour cette année", a-t-il dit. Notons que les Bourses mondiales sont reparties en nette baisse hier et l'euro est tombé à son niveau le plus bas depuis quatre ans face au dollar, les investisseurs s'inquiétant des répercussions de la crise de la dette dans la zone euro sur les banques et sur la croissance mondiale. Les enquêtes mensuelles auprès des directeurs d'achats du secteur industriel montrent un net ralentissement de la croissance dans la zone euro en mai, un ralentissement qui affecte aussi la Chine, bien que plus modérément. Les principaux marchés boursiers européens perdaient entre 1,7% et 2,4% à mi-séance, amplifiant le recul amorcé dès le début des échanges. L'indice paneuropéen FTSEurofirst 300 cédait 1,77% tandis que le MSCI mondial, qui reflète la volatilité des marchés, abandonnait 1,1%. Les contrats à terme annonçaient une ouverture en repli de plus de 1% à Wall Street. Juin débute ainsi sur une note similaire au mois de mai, marqué par la plus forte volatilité depuis la fin 2008 et la tempête financière déclenchée par la faillite de Lehman Brothers. "Il n'y a vraiment pas beaucoup de raisons d'accroître son exposition au risque en ce moment", constate Justin Urquhart Stewart, directeur de la société de gestion Seven Investment Managament. Cette aversion au risque favorise les valeurs refuges comme les emprunts d'Etats allemands, le dollar américain ou l'or. Les contrats à terme sur le Bund étaient en hausse d'environ 50 points de base à mi-séance. Parallèlement, le coût, sur les marchés, d'une garantie contre un risque de défaut de la France, de l'Espagne et de l'Italie sur leur dette s'orientait à la hausse, un mouvement lié à la dégradation par Fitch, vendredi soir, de la note souveraine espagnole. Les "credit default swaps" sur la dette française, à 76 points en fin de matinée contre 69 lundi, remontaient ainsi vers leur record du 6 mai de 80,6 points de base. "Les marchés vont devoir prouver qu'ils peuvent faire face aux conséquences de la dégradation de l'Espagne à AA+ par Fitch", a déclaré David Keeble, responsable de la stratégie taux de Crédit agricole à Londres. "Nous pensons qu'ils en seront capables. La question ne tient pas tant à la dégradation elle-même, les marchés obligataires ont largement anticipé les événements en la matière, qu'au fait que les problèmes économiques de l'Espagne vont revenir sur le devant de la scène." Le dollar, lui, s'appréciait d'environ 0,9% face à un panier de six autres grandes devises de référence, après un plus haut de 15 mois. L'euro, lui, reculait de plus de 1,4% vis-à-vis du billet vert, à 1,2130 dollar après être tombé à 1,2112, son plus bas niveau depuis avril 2006. Le dollar bénéficie aussi du regain de tension au Moyen-Orient après l'opération militaire israélienne de lundi contre une flottille à destination de la bande de Gaza. La monnaie unique, elle, souffre toujours des inquiétudes concernant la capacité de la zone euro à résoudre ses problèmes de dette souveraine, qui pourraient peser sur la croissance de la région, voire sur la croissance mondiale.