La chute des Bourses dans le monde semble déconnectée des fondamentaux de l'économie mondiale, qui connaît une phase de croissance exceptionnelle depuis plusieurs années et bénéficie de la bonne santé de l'Asie et de la reprise en Europe. Le secrétaire américain au Trésor Henry Paulson et le ministre japonais des Finances, Koji Omi, ont lancé lundi un message en ce sens en jugeant que "les fondamentaux de l'économie mondiale sont solides". Les marchés "ne reflètent pas toujours à terme l'évolution des fondamentaux de l'économie", avait déjà déclaré M. Paulson dimanche, écartant tout risque de récession aux Etats-Unis. Dès la semaine dernière, le président de la Réserve fédérale américaine Ben Bernanke avait lui aussi tenté de calmer le jeu après que son prédécesseur Alan Greenspan eut évoqué une éventuelle "récession" aux Etats-Unis. Il avait estimé que la croissance devrait se poursuivre à un rythme "modéré". Toujours fébriles, les Bourses asiatiques et européennes ont continué lundi à perdre du terrain, mais Wall Street s'est stabilisée après avoir connu sa plus forte chute la semaine dernière depuis le lancement de la guerre en Irak en 2003. Les économistes restent eux aussi relativement sereins. S'ils prévoient un ralentissement de la croissance américaine, entre 1,5 à 2,5% cette année, on est loin d'une récession. De son côté, la zone euro devrait enregistrer une croissance de plus de 2% cette année et l'économie asiatique reste très vigoureuse: l'économie chinoise devrait encore progresser d'au moins 8% cette année, a annoncé lundi le Premier ministre Wen Jiabao, et celle de l'Inde de 9%."Globalement, il n'y a pas beaucoup d'inquiétudes sur les conséquences sur l'économie mondiale de ce retournement boursier", commente Véronique Riches-Florès, économiste de la Société Générale. Chez CDC-Ixis, on juge que la Bourse traverse "une zone de turbulences plus qu'un krach". Jean-Marc Lucas, économiste de BNP-Paribas remarque que si la tourmente boursière se poursuivait, "la Réserve fédérale pourrait prendre cet argument pour baisser ses taux plus tôt que prévu". Alors que les marchés boursiers dans le monde avaient très fortement augmenté au cours des derniers trimestres, M. Lucas souligne que "la correction reste assez raisonnable par rapport à celle de 2002-2003". Il souligne toutefois que la morosité boursière aurait des conséquences néfastes sur l'économie mondiale si elle dépréciait l'épargne boursière des ménages américains, s'ajoutant à une correction de leur patrimoine en raison du retournement du marché immobilier américain. Cet "effet richesse" négatif pourrait peser sur la consommation américaine et par extension sur le dynamisme des échanges mondiaux. Pour Antoine Brunet, économiste de HSBC, il faudrait toutefois que la chute boursière se poursuive "presque deux trimestres consécutifs". En revanche, si la correction boursière se traduisait par une contraction de l'investissement des entreprises, l'impact serait plus sévère, juge M. Brunet, rappelant le plongeon des commandes de biens durables en janvier aux Etats-Unis. M. Brunet estime toutefois que "cette correction était recherchée par les autorités". En convainquant les autorités japonaises de procéder à une hausse des taux de la Banque du Japon", les ministres des Finances du G7 ont orchestré "une limitation des liquidités disponibles sur les marchés actifs". D'après lui, "les déclarations d'Alan Greenspan n'étaient pas forcément une maladresse" mais une tentative de calmer l'euphorie boursière.