La perspective d'amélioration de la sécurité des biens alimentaires, constitue un enjeu majeur de la normalisation dans les industries agro-alimentaires. Selon une récente étude du Gredaal, le processus de normalisation joue un rôle éminemment stratégique en tant qu'instrument de légitimation et facteur de compétitivité des entreprises agroalimentaires. C'est le besoin de sécurité qui a suscité l'émergence des premiers standards de l'alimentaire.Il en est ainsi de la démarche HACCP, apparue durant les années 70 en réponse aux impératifs de maîtrise de la sécurité sanitaire des denrées alimentaires, qui est intégrée dans l'ensemble des référentiels normatifs actuellement en vigueur dans l'industrie alimentaire. Ce standard s'est imposé dans le monde au regard des spécificités des produits alimentaires, les produits animaux en particulier, dans un contexte marqué par la multiplication des crises sanitaires, l'augmentation significative des maladies causées par des produits alimentaires contaminés et la quête obsessionnelle de traçabilité des produits tant au niveau des consommateurs que des organismes de distribution. Aussi, la normalisation s'est imposée à l'échelle mondiale au regard de l'accroissement et de l'universalisation du risque, au sens BECK et GIDDENS liés au développement fulgurant de la technologie et du génie alimentaires, du caractère récurrent de certaines crises sanitaires et environnementales, de la complexification des filières agro-alimentaire, du développement et de la diversification des flux commerciaux internationaux et du développement de la grande distribution. Ces tendances ont alimenté le processus de perte de confiance de la majorité des consommateurs dans la capacité des industriels ou des Etats à prévenir les risques et à les préserver contre les accidents éventuels. A l'heure où une crise de confiance majeure affecte le secteur alimentaire dans sa globalité et, médiatisation aidant, envahit l'opinion publique, la maîtrise de la sécurité alimentaire et la normalisation des processus de production apparaissent comme un enjeu essentiel pour la conquête de la confiance des marchés. La quête de transparence et de traçabilité sur les chaînes alimentaires accroît les exigences des clients pour des produits plus fiables et sécurisés. Aussi, l'évolution ainsi que la mise en œuvre des normes s'accompagne d'un renouveau organisationnel[i] et d'une adaptation des stratégies commerciales des PME agroalimentaires à la complexité des marchés marqués par une concurrence exacerbée, un renforcement des législations sanitaires et la pression croissante des clientèles (GMS, vente par correspondance, industriels) qui imposent des contraintes de plus en plus drastiques en termes de qualité et de traçabilité. Ces contraintes conduisent les entreprises à s'engager dans un processus quasi permanent d'amélioration de leurs produits, de leur processus de production et de leur management en vue de conserver ou de conquérir des marchés voire même pour assurer la pérennité de leurs activités et défendre des positions acquises sur les marchés. Selon le Gredaaal, la normalisation est progressivement devenue un facteur-clé de compétitivité et de pérennité des entreprises, comme elle s'est érigée à l'instar des référentiels de type ISO (9001, 22000, 14000) en instrument de promotion commerciale et de sélection des fournisseurs, en particulier sur certains marchés internationaux. De ce point de vue, la gestion de la qualité et de la sécurité des produits de même que l'incidence sur l'environnement sont intégrées par les entreprises dans des stratégies proactives globales de recherche d'avantage concurrentiel, comme elles sont aussi insérées dans des stratégies réactives qui répondraient aux exigences des donneurs d'ordres, des clients et de la réglementation. Ainsi l'évolution des référentiels normatifs débouche sur un recentrage progressif de la stratégie des entreprises sur le développement de capacités organisationnelles et managériales qui leur permettent d'apporter des réponses rapides idoines aux demandes changeantes des diverses clientèles. Cela ne va pas sans induire des contraintes multiples aux entreprises dictées par la nécessité de se conformer à plusieurs normes (HACCP, ISO 22000, IFS) et a répondre à des exigences de plus en plus strictes formulées par les clientèles. Ces contraintes se traduisent par des coûts importants liés, notamment, aux procédures de mise à niveau et d'ajustement de l'organisation, aux investissements matériels, à l'établissement de dispositifs d'enregistrement et de mesure d'indicateurs ainsi qu'à l'audit-certification des systèmes qui ne sont pas à la portée de toutes les entreprises agroalimentaires, les PME en particulier. En revanche, les entreprises qui intègrent et adoptent les référentiels normatifs enregistrent des avantages indéniables, attestés par de nombreuses études, à l'instar de la réduction et la prévention des erreurs qui sont ainsi " valorisées ", de la diminution de la variabilité sur la qualité des produits, la facilitation du traitement des " anomalies " et des " non-conformités ", la professionnalisation du traitement des réclamations et du renforcement de la sécurité juridique, la rationalisation de l'organisation et des relations, la formalisation des savoirs et des processus de production sans omettre bien évidemment la réduction des gaspillages et des surcoûts au sein des entreprises. Ce sont là autant de facteurs qui contribuent à rehausser l'image de marque de l'entreprise et à accroitre sa compétitivité sur les marchés. Mais par delà l'approche strictement rationnelle, sous tendue par les avantages conférés en termes de coûts/bénéfices, l'adoption de normes au niveau de certaines entreprises, les grands groupes industriels en particulier, fonctionne comme un instrument de promotion commerciale et obéit aussi à une stratégie de légitimation des pratiques et des structures de l'entreprise. Face aux multiples crises sanitaires et environnementales survenus dans le monde , sans doute amplifiées par l'interconnexion croissante des économies et la mondialisation des échanges, les entreprises de l'agroalimentaire sont de plus en plus interpellées quant aux impératifs de responsabilité, de transparence, de traçabilité des produits, de prévention des risques (Principe de précaution) et de communication vis-à-vis de la société, à telle enseigne que la référence aux normes est devenue un élément central de la désignation des produits et des services dans les relations commerciales. Ces exigences doivent être désormais intégrées par l'entreprise dans son système de management au risque de se voir sanctionner par les marchés.De ce point de vue la certification des organisations, que l'on peut considérer comme une forme institutionnalisée de légitimation des pratiques et des structures de l'entreprise, constitue l'aboutissement inéluctable du processus d'adoption d'un référentiel normatif donné.