Les problèmes auxquels sont confrontés la zone euro et sa devise sont graves, mais la réaction des marchés a sans doute été excessive, a déclaré lundi Dominique Strauss-Kahn, le directeur général du Fonds monétaire international. Le commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires, Olli Rehn, a quant à lui déclaré, avant l'ouverture de la réunion de l'Eurogroupe, que la rapidité à laquelle l'euro s'était déprécié était source de préoccupation, mais pas le taux de change actuel de la monnaie unique. L'Eurogroupe se réunit lundi et mardi au Luxembourg pour tenter notamment de régler les détails techniques de la mise en place d'une entité ad hoc destinée à émettre des obligations sur les marchés de capitaux internationaux en cas de besoin. Les fonds levés par cette entité ad hoc serviront à mettre jusqu'à 440 milliards d'euros de prêts à la disposition des pays membres de la zone euro rencontrant des difficultés pour emprunter à des taux d'intérêt convenables. "Comme vous le savez, la situation est très grave, mais il est remarquable de voir la rapidité avec laquelle les Européens ont su réagir", a déclaré le patron du FMI. "La question est donc maintenant de rendre tout cela opérationnel", a-t-il ajouté. Selon Dominique Strauss-Kahn, les marchés ne vont pas tarder à adopter un point de vue plus réaliste sur les problèmes auxquels la zone euro est confrontée. "Je pense que dans la période à venir, on va revenir à la réalité des chiffres", a-t-il affirmé. Il a ajouté que la gravité que l'on attribuait à la situation européenne était probablement exagérée. La Hongrie, bien qu'elle ne fasse pas partie de la zone euro, cristallise à son tour les inquiétudes des investisseurs au sujet de la solvabilité des pays européens. Mais Olli Rehn a balayé ces craintes, en soulignant les efforts déjà entrepris par la Hongrie pour s'attaquer à ses problèmes budgétaires.* La crise hongroise "n'est pas une vraie crise", a-t-il assuré. "La Hongrie a pris d'importantes mesures de consolidation budgétaire ces dernières années, et il y a une confiance plus forte dans l'économie réelle de la Hongrie. Par conséquent, parler de défaut est follement exagéré". Le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, a déclaré que les ministres des Finances de la zone euro décideraient aujourd'hui des détails de la mise en place d'un mécanisme de stabilisation financière de la région. "Cet instrument de stabilisation imite des obligations euro sans en être véritablement", a-t-il expliqué. Alors que la monnaie européenne stagne sous la barre de 1,20 dollars, et que l'UE avoue ses inquiétudes, des économistes envisagent la disparition dans les cinq ans de la zone euro sous sa forme actuelle. L'interminable glissade de l'euro, qui stationne encore en ce début de semaine sous la barre symbolique des 1,20 dollars, inquiète Bruxelles. Le commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires, Olli Rehn, s'est dit ce lundi plus "préoccupé" par la rapidité de cette baisse que par le niveau proprement dit de la monnaie unique. Alors que les Bourses européennes font encore grise mine : après avoir toutes ouvert sur une large baisse (entre 9h30 et 10 heures, Paris était en baisse de 2%, Londres reculait de 1,25% et Francfort de 0,96%), elles effaçaient péniblement une partie de leurs pertes en début d'après-midi : à Paris, le CAC-40 était en repli de 0,39% vers 13 heures, le Footsie de 0,42% à Londres, et le DAX de 0,23% à Francfort. "La peur à propos de la crise de la dette européenne revient nous hanter car les problèmes ne sont pas réglés", explique Daphne Roth, analyste de marché à ABN Amro Private Bank à Singapour, citée par Dow Jones Newswires. Les investisseurs restent marqués par les déclarations alarmistes, jeudi, de hauts responsables du parti au pouvoir en Hongrie à propos de la situation économique du pays, l'un d'eux jugeant que "la Hongrie était dans une situation comparable à celle de la Grèce". Leurs propos ont aiguisé l'inquiétude pour ce pays sous perfusion du FMI, de l'UE et de la Banque mondiale depuis novembre 2008, remettant les problèmes budgétaires européens au centre de l'attention. Budapest devait annoncer ce lundi de nouvelles mesures de rigueur budgétaire. Le président de l'Eurogroupe, le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, a réaffirmé dimanche sa confiance dans l'euro. Bien que "la monnaie apparaisse très affaiblie aux yeux des marchés", en réalité "elle ne l'est pas car nos données fondamentales sont meilleures que celles du Japon et des Etats-Unis", a-t-il jugé sur la chaîne TV5 Monde. Il s'est dit "pas inquiet" face à la situation économique en Hongrie, notant toutefois qu'il "y a eu des propos imprudents de certains dirigeants hongrois". Douze des 25 économistes interrogés par le quotidien britannique Sunday Telegraph ont pourtant jugé que la zone euro n'existerait plus dans sa forme actuelle d'ici cinq ans en raison de la crise financière chez plusieurs de ses membres. Huit seulement estiment qu'elle parviendra à en réchapper sans amputation. Les cinq derniers sont indécis. Et pour deux des huit tablant sur une survie, le prix à payer sera qu'au moins un des Etats-membre fera défaut sur sa dette souveraine. "Les implications politiques (d'une désintégration de l'euro) auront sans doute des conséquences considérables - les Allemands ne veulent pas payer pour les autres et pourraient bien partir", a relevé David Blanchflower, professeur à l'université américaine de Dartmouth et ex-conseiller de la Banque d'Angleterre.