L'événement footballistique de la Coupe du monde 2010 semble éclipser la plupart des rendez-vous culturels, même ceux qui commencent à bien s'ancrer dans nos arènes artistiques à l'exemple de la fête de la musique. Intervenant les 21 juin de chaque année au moment du solstice d'été, cette fête qui a vingt-huit ans d'âge, n'a pas été célébrée comme ce fut le cas les années précédentes où la musique n'était pas seulement dans les salles et les rues de la capitale mais dans des contrées algériennes très lointaines. Hormis la société Plus, éditrice de Kherdja.com, portail Internet dédié à la culture, qui a célébré lundi dernier au théâtre de Verdure, Bois des Arcades de Riad El Feth (OREF) cette fête avec un concert de musique pratiquement inaperçu, les agendas des autres structures culturelles ont rayé de leur liste cet événement qui n'a été introduit en Algérie qu'il y a à peu près six ans. C'est le groupe rock très soft et très poli D'zaïr, avec Joe Batoury, le groupe Djezma, Djmaoui Africa et Dj Hakim B, qui était à l'affiche des Bois des arcades, un espace quand même en plein air qui colle bien à l'esprit de cette fête qui se veut d'abord populaire et qui veut que le lyrisme soit dans les rues, et non pas dans les espaces fermés. La société Plus a profité de cette date anniversaire pour célébrer les trois années d'âge de Khardja.com et de commémorer cet art lyrique, l'un des plus anciens qui soit. Les musiciens du groupe D'zaïr ont été généreux, et offert un rock tantôt électrique tantôt festif, avec des sonorités très riches. Joe Batoury qui leur emboîte le pas sur la scène a quant à lui épaté un public de jeunes friands de fête. Son style est Afro-G'naoui, très folklorique donc, puisque puisé du patrimoine national et nord-africain, en chantant tout un registre tiré du terroir tel que "Baba Mimoun", "Shangari", "Ya layali" et d'autres chansons qui ont conquis les coeurs du public algérois. Le changement du rythme viendra avec le groupe Djezma qui se veut une formation qui illustre un parfait métissage artistique d'un genre nouveau. Djezma ambitionne de devenir un groupe qui fédère les aspirations des jeunes avec son énergie et son envie passionné de porter sa musique hors de nos frontières. Les Djmaoui Africa ont su, en peu de temps, se faire une place sur la scène musicale en fusionnant des genres et styles différents qui véhiculent un même langage, transmis par des rythmes et des airs communs. L'événement n'a tout de même pas fait sensation alors que par un passé récent la musique était partout. Une fête qui se démocratise Il faut dire que ce n'est que récemment que la fête de la musique qui va bientôt boucler ses 30 ans d'âge, s'est démocratisée en Algérie. L'idée de la fête de la musique est fondamentalement païenne, mais ne porte en rien les germes du blasphème par rapport à quelque croyance qui soit, parce que, cette célébration de la chose lyrique n'est rien d'autre que la célébration de la vie. C'est comme si l'on offrait aux gens un nouvel espace extra-muros, dans lequel ils sont invités à se réunir autour de sons et de chants qui ont accompagné l'humain depuis que le monde est monde. Nous voilà donc à l'instar des autres contrées du globe, en plein dans ce processus de sortir la musique des sentiers battus des salles de spectacle pour la proposer en pleine rue populaire, où les passants, badauds ou férus du rythme sont invités à partager un moment d'intense amitié. C'était le Centre culturel français, -la fête de la musique étant une idée française- qui fut le premier à initier il y a quelques années ce rendez-vous dans quelques salles de la capitale, avant que l'effet boule de neige atteigne d'autres villes, comme Oran, Béjaïa et Tizi Ouzou. Une fois déclenchée, cette idée a été reprise par quelques unes de nos institutions culturelles qui rajoutent désormais ce rendez-vous à leur planning culturel de l'année. C'est le cas de l'établissement Arts et Culture de la wilaya d'Alger, un organisme qui a d'ores et déjà concocté son programme pour le solstice de l'été. Mais ce 21 juin, il est passé outre. Il y a deux ans, cet établissement a proposé un plateau artistique des plus riches en invitant des noms interprétant tous les styles, à savoir le chaâbi, hawzi, bédoui, kabyle, sétifien, raï, âssimi et le malouf….. Styles célébrés à la gloire de cette fête qui est un pur moment du retour aux sources. Il faut savoir, qu'en 1982, un directeur de musique et de danse qui s'appelait Maurice Fleuret a rêvé d'une chose aussi simple que compliquée : faire descendre les gens dans la rue. Ce n'était pas pour protester contre une quelconque injustice, mais juste pour faire la fête. A l'époque, Jack Lang était ministre de la Culture et c'était lui qui avait donné son feu vert pour que le rêve se réalise ! " Faites de la Musique, Fête de la Musique ", disait-on à Paris où a été inventé un autre slogan de mai 68, " faites l'amour et non la guerre ! ". Musiciens professionnels et amateurs s'étaient mobilisés sur la même arène face à un peuple qui est descendu spontanément dans la rue afin de s'abreuver solennellement de la chose lyrique. Ainsi naissait la fête populaire de la musique.