Les Japonais étaient appelés aux urnes dimanche pour élire la moitié des 242 sénateurs à la Chambre haute. Leur mandat de six ans est renouvelable par moitié tous les trois ans. Malgré l'importance que revêtait cette élection pour le parti au pouvoir, les résultats plongent dores et déjà le pays du soleil levant dans une crise politique sans précédent, la défaite du Parti démocrate (PDJ). Le revers enregistré par la formation au pouvoir depuis moins d'un an est de nature à contrecarrer la politique de réduction de l'immense dette publique du Japon et à fragiliser la position du Premier ministre, Naoto Kan, investi le mois dernier seulement. La moitié des 242 sièges de la haute assemblée était en jeu dimanche. Le PDJ n'en a remporté que 44, bien loin des 54 que Kan s'était fixé comme objectif. Le Nouveau parti du peuple, son partenaire de coalition à la chambre basse, n'en a obtenu aucun. Le Parti libéral démocrate (PLD), rejeté dans l'opposition en septembre dernier après avoir gouverné pendant un demi-siècle pratiquement sans interruption, a remporté 51 des 121 sièges. Le PDJ de Naoto Kan reste majoritaire à la Chambre des représentants, la chambre basse de la Diète, mais il va lui falloir trouver de nouveaux alliés au Sénat s'il veut mener à bien la lutte contre la dette publique, proche des 200% du Produit intérieur brut. Pour Jesper Koll, directeur de recherche chez JP Morgan Securities Japan, le scénario le plus probable toutefois est de voir le Japon attendre jusqu'aux prochaines élections à la chambre basse, pas avant 2013 à moins d'une dissolution. "Nous allons probablement perdre deux années supplémentaires, pris dans un blocage parlementaire", dit-il. Dès son arrivée, le Premier ministre Kan, ancien militant de gauche, a promis de revigorer le Japon, avec trois priorités: assainir les finances publiques, relancer la croissance et renforcer la protection sociale. L'une des mesures phares de Naoto Kan pour revenir à l'équilibre budgétaire est de doubler la TVA (actuellement de 5%). Et les Japonais seraient prêts à faire ce sacrifice, conscients que la réduction de la dette et la sécurité de la protection sociale passent forcément pas des mesures de rigueur. Ils seraient même reconnaissants à Naoto Kan d'avoir dit tout haut, ce que la classe politique japonaise s'évertue à taire depuis des années. Naoto Kan va désormais devoir chercher de nouveaux alliés pour s'assurer une majorité au Sénat pour faire adopter ses propositions au cours des prochains mois. La sévère défaite des Démocrates risque en outre de menacer la position de Naoto Kan au sein de son mouvement, où des voix s'élèvent déjà pour exiger qu'il assume l'échec du parti. L'économie japonaise, la deuxième de la planète, est engagée sur la reprise, mais les économistes se demandent combien de temps le PIB continuera de croître. L'indice de confiance des industriels atteint certes en ce mois de juillet un niveau sans précédent depuis deux ans et demi, mais le rythme s'est ralenti, selon une étude menée par l'agence Reuters qui laisse entrevoir les craintes d'une rechute. Le score de dimanche fragilise aussi Naoto Kan, qui, un mois seulement après sa prise de fonctions, apparaît déjà vulnérable à une révolution de palais à l'intérieur du PDJ. Le Premier ministre est le cinquième qu'ait connu le Japon en trois ans.