L'irritation exprimée hier par le gouvernement japonais face à la montée du yen n'a pas suffi à juguler l'envolée de la monnaie nippone, qui a atteint de nouveaux plus hauts face au dollar et à l'euro. Le Premier ministre japonais, Naoto Kan, a déclaré qu'il souhaitait réfléchir à des mesures permettant d'enrayer l'appréciation du yen en prenant en compte, parmi d'autres facteurs, le résultat d'une réunion de dirigeants de banques centrales, a rapporté l'agence de presse Jiji. Celle-ci n'a pas précisé à quelle réunion il faisait référence mais des dirigeants de banques centrales doivent se retrouver de jeudi à samedi à Jackson Hole, dans l'état américain du Wyoming. Le ministre japonais des Finances, Yoshihiko Noda, a déclaré de son côté à la presse que le Japon agirait de manière appropriée face aux mouvements de devises sur la base des déclarations du G7. En octobre dernier, les membres du Groupe des Sept avaient déclaré que les mouvements de devises désordonnés et excessifs avaient des implications négatives pour la stabilité économique et qu'ils coopéreraient de façon appropriée dans ce domaine. Le ministre des Finances a usé d'une rhétorique plus ferme, assurant observer de près l'évolution des changes et estimant que les récentes évolutions étaient clairement "inéquitables". "Les évolutions excessives et désordonnées de la monnaie pourraient avoir un impact négatif sur la stabilité de l'économie et du système financier", a-t-il déclaré. Les marchés ont toutefois interprété son refus de commenter une éventuelle intervention comme le signe que les autorités japonaises ne sont pas encore prêtes à agir, faisant reculer le dollar à un nouveau plus bas de 15 ans contre le yen à 84,34 yens sur la plateforme de transactions EBS, et l'euro à un plus bas de neuf ans autour de 106,14 yens. "Le marché va tester la capacité des autorités japonaises à intervenir, et, à moins qu'elles ne prennent une décision effective, le dollar s'orientera vers les 80 yens. L'économie japonaise en souffrira énormément, car les économies américaines et asiatiques ralentissent", explique Paul Robson, stratège des changes chez RBS Global Banking à Londres. Depuis le début de l'année, le yen s'est apprécié de près de 10% face au dollar, pénalisé par la montée des inquiétudes sur la solidité de la reprise aux Etats-Unis. Les autorités japonaises ont à plusieurs reprises tenté de maîtriser cette hausse, craignant qu'un yen fort ne pénalise les exportations et ne fragilise une reprise économique fragile. Mais les traders se montrent sceptiques quant à une éventuelle intervention de Tokyo sur les marchés, et estiment en outre qu'une action coordonnée avec les partenaires du G7 semble hautement improbable. En revanche, un assouplissement de la politique monétaire apparaît comme un scénario envisageable. Hier le dollar accélérait sa dégringolade face au yen à 83,89 yens contre 85,17 yens la veille, après avoir touché vers 13H20 GMT son plus bas niveau enregistré depuis juin 1995, à 83,72 yens. "Le dollar, mais aussi la livre sterling et l'euro sont depuis ce matin en chute libre face au yen. Ce qui commençait comme un mouvement modéré d'aversion pour le risque, s'est transformé en déroute après une conférence de presse du ministre des Finances nippon" Yoshihiko Noda, expliquait Adam Cole, de RBC Capital Markets. Ce dernier a indiqué "surveiller l'évolution des marchés avec une extrême vigilance", mais s'est gardé d'annoncer des mesures concrètes pour enrayer l'envolée du yen, refusant de s'exprimer sur une possible intervention directe des autorités nippones sur le marché des changes. L'envolée du yen a fait chuter mardi la Bourse de Tokyo sous les 9000 points en clôture, à son plus bas niveau depuis mai 2009, le niveau de la devise plombant les sociétés exportatrices nippones, poids lourds de la cote. "Le dollar a plongé face au yen après cette conférence de presse d'urgence de M. Noda, ce qui était quelque peu ironique car il a simplement répété ce qui est récemment sa rhétorique habituelle sur le yen cher et sans aucun indice trahissant une prochaine intervention directe", commentait Masafumi Yamamoto, de Barclays Capital. "Si aucune mesure n'est prise par le gouvernement japonais, nous croyons que le dollar pourrait tout à fait tomber jusqu'au seuil des 80 yens, spécialement dans un contexte de faiblesse générale des marchés d'action mondiaux", a ajouté l'analyste. Le yen, considéré comme une monnaie refuge en dépit de la fragilité de l'économie nippone, bénéficiait des inquiétudes croissantes des investisseurs sur la vigueur de la reprise économique aux Etats-Unis et en Europe.