Des scientifiques de l'UE ont réussi à obtenir des dépôts d'œufs viables de thon rouge atlantique en captivité par des moyens naturels, sans aucune induction hormonale. Ce résultat est le fruit de la troisième année de réalisation de SELFDOTT, un projet de recherche financé par l'Union européenne à hauteur de 2,98 millions d'euros et coordonné par l'Institut espagnol d'océanographie (IEO). Si l'élevage de cette espèce menacée pouvait être développé à une échelle commerciale, la pression exercée sur les stocks sauvages serait nettement réduite. Les résultats du projet ont fait l'objet d'un film, qui sera diffusé le 26 août dans le cadre de Futuris, l'émission scientifique de la chaîne de télévision Euronews. Selon les chercheurs de l'IEO, ces résultats montrent la capacité du thon à s'adapter, après plus de trois ans de domestication. Dix millions d'œufs au total ont été pondus en une seule journée. L'élevage de thon est longtemps resté de l'ordre du fictif. L'unique méthode pratiquée à l'heure actuelle consiste à pêcher des juvéniles en mer et à les disposer dans des cages flottantes, un procédé qui a des répercutions assez désastreuses, car il fait s'écouler à grande vitesse les stocks de poissons. Deux équipes de biologistes viennent pourtant de parvenir, pour le thon rouge d'Atlantique, à la première étape : la reproduction et l'obtention d'œufs, grâce à une coopération européenne, financée par différents programmes de recherche. A Carthagène (Espagne) et à Vibo Marina (Italie), les biologistes ont déclenché la ponte et la reproduction en stimulant les animaux à l'aide d'un implant, libérant progressivement une hormone, une gonadotropine, famille d'hormones de tous vertébrés qui intervient dans la fabrication de spermatozoïdes et d'ovules. L'année dernière, entre fin juin et fin juillet, près de 190 millions d'œufs ont été obtenus. Cette précieuse manne vient d'être répartie entre plusieurs laboratoires méditerranéens comme l'Espagne, la Grèce, Israël, Malte, ou encore la France. Tous sont partenaires dans deux grands programmes de recherche européens, Selfdott et Allotuna, dédiés à l'élevage du thon. Si un tel effort est voulu, c'est parce que la demande mondiale de thon, particulièrement celle de thon rouge est en augmentation considérable et dépasse l'éventuelle pêche durable. Selon l'Ifremer, qui cite la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (CICTA), les saisies annuelles de thon rouge en Atlantique de l'Est et en Méditerranée varient entre 50 000 et 60 000 tonnes depuis plus de 10 ans, ce qui serait 3 à 4 fois supérieur au potentiel de reproduction de thons aujourd'hui. Une telle prise ne pourra donc durer bien longtemps et nous devront nous résoudre à nous priver de sushis ou de steaks de thon rouge. La seule alternative reste donc l'élevage. Seulement, à l'heure actuelle, le contrôle de la reproduction et le nourrissage des larves rendent difficile l'élevage du thon rouge et plus généralement des poissons et crustacés d'eau de mer. Habituées à vivre dans un espace naturel immense, bon nombre d'espèces rechignent à se reproduire en bassins clos et surpeuplés. Car une fois la ponte accomplie, les équipes de gestion des bassins se retrouvent face à des milliers, voire des millions, de bouches à nourrir : les larves. Souvent, de l'œuf émane une larve dont la forme n'évoque en rien l'animal adulte. Par exemple un thon juste éclos ne mesure pas plus d'un millimètre. Lorsqu'il atteint sa taille adulte, il pèse pourtant plus de 300 kg. La succession des stades larvaires fait rapidement évoluer l'animal en lui donnant diverses formes. Une situation compliquée pour les aquaculteurs, car les régimes alimentaires sont changeant en fonction des différents stades du développement de la larve. Lorsqu'elles deviennent proches de la forme finale, on parle alors de juvéniles. La technique de A à Z n'est maîtrisée que pour un petit nombre d'espèces de poissons, comme le bar ou la daurade. Le saumon également, mais celui-ci débute sa vie en eau douce, un milieu pauvre. De plus, les alevins qui sont bien moins exigeants sur la nourriture. Avec la nouvelle technique développée par les biologistes européens, le problème des stocks et de l'élevage du thon rouge en aquaculture est donc peut-être résolu. Les petites larves de thon rouge issues du grand océan sont à l'heure actuelle en train de goûter à la nourriture concoctée par les biologistes. Résultats dans quelques mois pour savoir si elles ont apprécié le menu !