Pourquoi le fait de "casser" le monopole sur le commerce extérieur était-il considéré par le passé comme l'une des dimensions les plus importantes et les plus moralisatrices des réformes, car il en était escompté la baisse de la corruption ? Si ce monopole, qui brassait des milliards de dollars de l'époque, pouvait n'enrichir que peu de responsables liés aux importations , la fin du monopole public a multiplié par centaines (ou dizaines de milliers) le nombre d'importateurs qui devaient se partager le commerce extérieur, soit celui des importations, c'est-à-dire l'enveloppe en devises qui provenait des banques et multiplier ainsi le nombre d'opérateurs exposés à la corruption. Dès lors qu'on avait cassé le monopole sur le marché extérieur pour transférer cette mission étatique aux entreprises privées, ce qui revient à dire que les moyens financiers en devises sont mis à disposition d'hommes d'affaires, on n'avait fait que transférer l'appât du gain facile et choisir celui qui sera riche en lui octroyant les autorisations d'importations. Un tel gain facile et sans risque pour les importateurs ne peut qu'irriter ceux qui veulent investir dans la production nationale. Compte tenu que l'argent se ramasse facilement et sans risque par l'engagement dans les importations, il ne devait en sortir que l'orientation des opérateurs ( ou hommes d'affaires) vers le secteur des importations. Les réformes ainsi menées sur ce thème particulier avaient fait l'objet d'une dénonciation du président lors d'un discours qu'il avait prononcé. Des bureaux " import import ", disait-il. Or, pour si non éradiquer la corruption ou du moins en baisser le niveau, il faudrait d'abord, au préalable, accélérer le processus de construction de l'Etat de droit pour que l'application de la loi n'ait pas besoin d'une impulsion du pouvoir et ne dépende pas du pouvoir. Pouvons-nous avoir un Etat fort si celui-ci dépend du pouvoir ? A ce niveau de réflexion, le plus étonnant est que le chef du HMS a dit que le président de la République devrait sanctionner la corruption. Qui doit sanctionner la corruption? Le chef de ce parti pose peut-être ainsi les termes de l'équation. D'abord, pourquoi charger le Président d'être le seul à pouvoir décider de sanctionner ? Quelle est alors la place des pouvoirs publics par rapport aux institutions de l'Etat ? Les accusations ne cesseront pas. Elles ne pourront pas cesser car c'est dans la nature de l'homme de chercher constamment à s'enrichir. Y en a-t-il ceux qui ne voudraient pas s'enrichir ? La différence se trouve non pas dans les aspirations mais dans les valeurs morales. S'enrichir ? Oui mais comment. Qu'est-ce qui incite à la corruption et comment et par qui lutter contre ce phénomène ? Il ne s'est pratiquement pas passé un seul jour sans que la lutte contre la corruption ne soit pas évoquée comme obligation ou mission à mener par les pouvoirs publics. Si à partir de l'expression de telles intentions la corruption demeure toujours aussi vivace dans les discours alors qu'il apparaît qu'elle défie les pouvoirs publics, et qu'elle prospère même, il y a bien dans ce cas un obstacle qui assure indirectement ou directement l'impunité à ses auteurs. Où pourrait-il se trouver cet obstacle? On a souvent insisté sur le fait qu'une affaire de corruption ne se fasse savoir que par des dénonciations. Mais quelle protection contre les règlements de compte et les revanches ?