Les grands puissances économiques cherchent toujours un système monétaire international stable et efficace 25 ans après les accords du Plaza, signés à une époque où les ministres des Finances savaient se mettre d'accord sur leur politique de changes. Le 22 septembre 1985, dans un hôtel new-yorkais, cinq pays dominants sur le marché des devises (Allemagne, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne et Japon) se mettaient d'accord pour faire baisser la valeur du dollar, à l'initiative des Américains qui désespéraient d'être de moins en moins compétitifs. Le Japon en garde un souvenir douloureux. "La baisse s'est effectivement produite. Mais pas d'une manière ordonnée. (...) Le mot "endaka" (yen fort) a trouvé sa place dans le dictionnaire mondial des termes économiques", déplorait le Japan Times jeudi. Le paysage mondial des devises a beaucoup changé en un quart de siècle. Le dollar n'y est plus aussi prépondérant. Les banques centrales n'ont plus la même capacité à piloter un marché mondial des changes qui pèse près de dix fois plus lourd. Et la Chine, insignifiante dans ce débat à l'époque, est aujourd'hui au centre des attentions, passée du rang de huitième à deuxième économie mondiale. Mais les désordres qui avaient suscité les accords du Plaza subsistent. "Parmi les signes importants de déséquilibre dans l'économie mondiale, on compte les défauts dans l'alignement des taux de change clés": cette phrase, tirée du "World Economic Survey" de l'ONU en 1985, pourrait encore être écrite aujourd'hui. "Le système international des taux de change est au moins en partie cassé", considérait jeudi Michael Spence (université de New York). Pour lui, la cohabitation entre le laisser-faire des pays occidentaux et l'interventionnisme des émergents, Chine en tête, ne devrait plus fonctionner longtemps. "Les questions de distorsions (...) sont vouées à devenir de plus en plus pressantes au fur et à mesure de l'accroissement de la taille et l'influence des grandes économies émergentes", s'inquiétait-il. Mais régler ces questions réclame un consensus plus difficile à trouver au sein d'un G20 que d'un G5. La France a promis qu'en prenant la présidence du groupe des pays riches et émergents du G20, après le sommet de Séoul en novembre, elle chercherait à refonder un système monétaire international plus harmonieux. Selon le président Nicolas Sarkozy, "ce qui est aujourd'hui souhaitable, nécessaire même, c'est de mettre en place des instruments pour éviter l'excessive volatilité des monnaies". Lors de la récente Conférence des ambassadeurs, le président français a été plus précis?: "?Nous devons nous interroger sur l'adéquation d'un système monétaire international dominé par une seule monnaie à un monde devenu multipolaire… Offrir un actif de réserve international qui ne soit pas émis par un seul pays permettrait de renforcer la stabilité du système tout entier.?" En fait, la question monétaire internationale comporte plusieurs dimensions. Sur chacune, il faudra avancer en tenant compte de la susceptibilité de chacun?: les Américains à propos de leurs déficits budgétaires et extérieurs, les Chinois sur leur politique de change… Un premier aspect concerne les taux de change. Le dollar reste fragilisé par les déficits et la dette extérieure des Etats-Unis, ainsi que par les incertitudes sur la reprise américaine. Conclusion?: il ne faut pas extrapoler la remontée du dollar vis-à-vis de l'euro, alimentée depuis décembre 2009 par la crise grecque. Le billet vert a toutes les chances de rechuter rapidement, ce qui pèsera sur la reprise en Europe, au Japon… Dans un tel contexte, la politique de change de la Chine sera déterminante, surtout si elle continue à s'accrocher à une devise américaine en recul. Depuis peu, les Chinois ont beaucoup promis ; il leur faut désormais passer aux actes et accepter une appréciation significative du yuan. L'autre volet touche au rôle du dollar et des autres devises. On ne pourra pas, par un coup de baguette, modifier les parts de marché. Il faudra du temps. Fin 2009, le dollar représentait 62 % des réserves des banques centrales dans le monde, et l'euro 27 %. Les autres devises se partagent les miettes. Autrement dit, le SMI s'organise aujourd'hui autour du dollar et de l'euro, auxquels s'ajoutera, dans dix à quinze ans, le yuan pour former une nouvelle triade. Les Chinois répètent à satiété qu'ils veulent travailler avec une autre devise que le dollar, tout en sachant qu'ils n'ont aucun intérêt à précipiter la chute de ce dernier, qui représente 70 % de leurs réserves de change. La Russie, le Brésil, les pays du Golfe se joignent à la contestation verbale... Le dollar est donc contesté sans être remplacé. Le président Sarkozy a fait référence aux DTS (droits de tirage spéciaux), "?aujourd'hui l'objet d'un intérêt croissant?". Défini comme un panier des principales devises, le DTS sert seulement de monnaie de compte pour le FMI. Il n'a pas d'avenir, tant qu'il est défini comme un panier. Dans l'histoire, aucune monnaie-panier n'a réussi à s'imposer durablement. En Europe, nous avons remplacé l'ECU (qui était un panier de monnaies) par l'euro (qui n'en est pas un). Une leçon à retenir…