La bataille commerciale entre exportateurs français et américains fait rage sur le marché mondial du blé pour s'accaparer la part de gâteau abandonnée par la Russie, contrainte de se retirer après la canicule de l'été qui a dévasté ses récoltes. Aux Etats-Unis, les ventes dépassent le million de tonnes depuis cinq semaines consécutives alors que 720.000 tonnes leur suffiraient pour atteindre l'objectif final. En Europe, la France monopolise plus de la moitié des 4,3 Mt de certificats d'exportation accordés par Bruxelles depuis le 1er juillet et le début de la campagne commerciale. Dans le bras de fer qui l'oppose aux Américains, la France semble posséder de sérieux atouts, notamment la faiblesse de l'euro qui la rend plus compétitive sur la scène internationale et un coût de fret plus faible pour acheminer la marchandise vers les ports du Moyen-Orient et du Maghreb, là où les besoins sont les plus criants cette année. En outre, au plan européen, la France est débarrassée de la concurrence des blés allemands, réputés pour leur haute qualité, mais qui ont souffert d'une humidité excessive et partiront, pour une bonne moitié, vers l'alimentation animale. Ainsi, l'Hexagone devrait exporter 11 millions de tonnes lors de la campagne 2010/2011, un chiffre dopé par le retrait de la Russie sur le marché. La concurrence avec les Etats-Unis, premier exportateur mondial, s'intensifie. La France compte exporter 6,8 Mt vers l'Union européenne, un chiffre en diminution par rapport aux 7,3Mt de 2008-2009. L'Egypte est particulièrement dans le viseur français. L'Hexagone a déjà vendu 840.000 tonnes de blé au principal acheteur gouvernemental, le Gasc. Le retrait de la Russie ouvre l'approvisionnement du Caucase, de la péninsule arabique, et de l'Afrique du Nord. D'autres opportunités s'offrent à la France au Yémen, en Jordanie ou encore au Liban et aux Emirats arabes unis. "Avec la fermeture de la mer Noire, la demande est plus forte que ce que la France peut exporter", explique Xavier Rousselin. "La demande est telle qu'elle va aspirer tout ce qui est exportable au départ de la France". L'Amérique latine et l'Asie font aussi partie des marchés ouverts. L'arrivée à la fin de l'année des récoltes de l'hémisphère Sud ne devrait en effet pas suffire. L'Argentine servira en priorité les six millions de tonnes dont a besoin annuellement le Brésil, tandis que l'Australie devra remplacer l'Ukraine dont les exportations sont actuellement fortement ralenties vers l'Extrême-Orient, la Corée, les Philippines et l'Indonésie. Mais ces exportations record devraient entraîner une hausse des prix, déjà élevés, du blé français. En effet, dans le même temps, l'autoconsommation et les stocks à la ferme sont attendus en hausse à 4,2 Mt en France. Une situation qui conduira à une diminution de 15,5% des utilisations nationales dans l'alimentation animale, au profit de l'orge et du maïs, jugés moins onéreux. Troisième exportateur mondial, la Russie a vendu plus de 18 millions de tonnes de blé en 2009, assurant ainsi 14 % des échanges mondiaux. Une part de marché qu'Américains et Français se disputent activement aujourd'hui, avant l'arrivée des concurrents canadien et australien, aux récoltes plus tardives. Et chacun croit en ses chances. Les Etats-Unis, premier exportateur mondial, espèrent vendre 34 Mt de blé cette année sur la scène internationale contre 24 Mt l'an dernier et la France, premier producteur et exportateur de l'Union européenne, "au moins" 11 Mt contre 9,6 Mt, un record historique. Car la demande est insatiable. Le retrait de la Russie, début août, a semé la panique chez les acheteurs qui multiplient les appels d'offres tous azimuts afin de sécuriser leurs approvisionnements.