L'Europe a accentué la pression hier sur la Chine pour qu'elle laisse sa monnaie s'apprécier, au dernier jour d'un sommet entre l'UE et l'Asie, alors que la crainte d'une "guerre des changes" mondiale s'accentue face à la crise économique. Les trois principaux responsables économiques européens - le chef de file des ministres des Finances de la zone euro, Jean-Claude Juncker, le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, et le commissaire européen aux Affaires monétaires, Olli Rehn, ont invité fermement Pékin à plus de flexibilité du taux de change du yuan, à l'issue d'une rencontre avec le Premier ministre chinois Wen Jiabao à Bruxelles. Ils ont demandé une appréciation "significative" du yuan, a déclaré Jean-Claude Juncker, reconnaissant ouvertement un hiatus avec Pékin sur le sujet. "Les autorités chinoises ne partagent pas notre appréciation", a-t-il convenu. La veille, dès l'ouverture du sommet des principaux pays d'Asie et d'Europe (Asem), M. Wen s'était en effet montré ferme en demandant que les taux de change des principales monnaies restent "relativement stables" entre eux. Cette confrontation feutrée devrait se poursuivre mercredi à l'occasion d'un sommet UE-Chine prévue à Bruxelles. De fait, l'inquiétude grandit dans le monde face à l'impression que les grandes puissances sont engagées dans une "guerre des changes" pour affaiblir leurs devises respectives afin d'exporter davantage. Le Premier ministre chinois Wen Jiabao a d'emblée donné le ton lundi, en ouverture du huitième sommet de l'ASEM à Bruxelles, en écartant toute appréciation sensible du yuan, comme le réclament les Occidentaux, lesquels sont invités à éviter tout protectionnisme. "Nous devrions maintenir les taux de change des principales monnaies de réserve relativement stables", a déclaré M. Wen lors de la cérémonie d'ouverture du sommet qui rassemble jusque mardi au Palais royal de Bruxelles 46 dirigeants européens et asiatiques. Américains et Européens jugent de longue date que la Chine, comme d'autres pays asiatiques d'ailleurs, maintient sa monnaie à un niveau artificiellement bas afin de doper ses exportations sur le marché mondial. Certains en Europe estiment qu'il est temps de durcir l'attitude envers Pékin afin qu'elle réévalue sa monnaie. Dans cette logique, la Chambre des représentants américaine a adopté fin septembre une loi qui permettrait de prendre des sanctions envers la Chine, laquelle y voit des mesures protectionnistes. A Bruxelles lundi, le Premier ministre chinois a d'ailleurs clairement évoqué la chose. "Il est nécessaire d'assurer une coopération entre nous pour soutenir le commerce mondial et lutter contre le protectionnisme", a-t-il notamment insisté. Celui-ci a dans la foulée à nouveau réclamé une meilleure représentation des pays en développement au sein des organisations financières internationales, comme le Fonds monétaire international (FMI). "C'est une mesure extrêmement importante à prendre dès aujourd'hui", a ajouté M. Wen. Dans son allocution, le président du Conseil européen, le Belge Herman Van Rompuy, qui dirige la rencontre, a soigneusement évité d'aborder la question du yuan. A six semaines du prochain G-20 en Corée, il a plutôt insisté sur la nécessité d'une coopération accrue entre Européens et Asiatiques pour prévenir toute nouvelle crise financière. Le Premier ministre Yves Leterme, pays hôte du sommet, a plaidé de son côté pour une "révision du mode de production et de consommation" afin de préserver la planète, l'éradication de la pauvreté, entre autres par un soutien accru à l'éducation, et l'adoption de nouvelles formes de financement pour l'aide au développement, notamment grâce à l'adoption d'une taxe sur les transactions financières.