Par Mohamed KHIATI (*) Le défi à relever et l'espoir à concrétiser ne sont pas des tâches aisées. La lutte contre la pauvreté est l'un des objectifs du présent millénaire ; mais faire en sorte que le nouveau millénaire soit libéré de la faim suppose que des mesures draconiennes soient prises d'urgence sur de nombreux fronts, non seulement pour nourrir ceux qui ont faim, mais aussi, pour éliminer les causes qui lui sont sous-jacentes dans le monde de manière rapide, durable et permanente Une seule planète, une seule communauté, un seul futur. Disons le d'emblée que dans presque tous les discours à travers la planète, l'alimentation est " le maitre-mot " elle est plutôt le mot qui alimente tous les discours; les destinées des nations ont été suspendues à cette notion capitale. Cependant, les choses n'ont pas tellement changé. Les grandes messes entachées de prouesse, pour les uns et de tristesse, pour les autres, ont-elles servi à grande chose ? Aujourd'hui, les riches s'enrichissent et les pauvres s'appauvrissent et la notion pour ceux-ci reste compromise. Autrefois, on nous disait, sous forme de slogan devenu adage, marqué du sens de fraternité: " une seule planète, une seule communauté, un seul futur ". Aujourd'hui, il semble nécessaire de parler encore d'équité. "Il ne suffit pas de produire davantage de vivres, la production mondiale est suffisante pour nourrir tous les habitants de la planète, mais chacun n'en reçoit pas sa juste part; cette situation ne changera pas tant que nous ne prendrons pas tous, individus, nations et membres de la communauté internationale, l'engagement de faire disparaître les inégalités et de supprimer les obstacles qui empêchent certains d'entre nous d'avoir accès à une alimentation suffisante " écrivit Edouard Saouma, alors Directeur Général de la FAO, dans l'avant-propos d'une publication intitulée" Nourrir, c'est construire ",préparée à l'occasion de la JMA, 1992, célébrée alors sous le thème : : "Alimentation et nutrition " " La faim est un fléau dont souffre encore aujourd'hui une grande partie de l'humanité " lança amèrement, il y' a plus de deux decennies, Mario Soares alors, Président de RépubliquePortugaise, qui était l'invité d'honneur à la cérémonie d'ouverture de la Journée Mondiale de l'Alimentation (JMA) qui s'est déroulée au siège de la FAO, à Rome en 1988, sous le thème : " La Jeunesse Rurale ". " A une époque où l'homme se lance à la conquête de l'espace, où il enrichit chaque jour ses connaissances et accroît son pouvoir sur la nature grâce à un progrès scientifique fulgurant, il est scandaleux que tant d'êtres humains continuent à vivre dans des conditions intolérables . On dirait, a-t-il dit, qu'aveuglé par sa soif de découvertes de mondes nouveaux, l'homme a oublié la véritable finalité de toute recherche et de tout effort scientifique : l'amélioration de la condition humaine et le bien être de tous ". Cette déclaration de plein sens et de signification faite en plénière, il y a 22 ans reste de vigueur à l'heure actuelle et prend toute sa dimension d'équité. A ce chapitre, les réactions sont nombreuses, qui émanent somme toute, du sens de conscience, mais dans la pratique, on reste loin de satisfaire les besoins de ces millions de personnes livrées au marasme de la pauvreté, de la faim et de la misère qui font obstacle à leur promotion. Alors, " il n'est plus possible aujourd'hui, de continuer à stimuler et à solliciter l'appétit du non indispensable, la séduction de l'inutile, la passion du superflu, avant d'avoir satisfait aux nécessités absolues du rationnement pour la survie, et pas seulement - c'est clair- dans le domaine de l'alimentation : la vie va être à de nombreux égards moins suave pour des minorités " l'establishment " les sociétés riches et industrialisées mais peut-être deviendra-t-elle moins cruelle et même plus complète et juste pour l'immense majorité " dixit, il y a plus de trente ans, Alberto Lieras, alors Président de la Colombie, dans un discours prononcé lors d'une conférence bisannuelle Mc.Dougall, qui commémore le nom de l'un des fondateurs de la FAO. Aussi dans la déclaration universelle des droits de l'homme est-il clairement mentionné : " que toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation "La situation actuelle dans le monde me semble telle qu'on a tendance à dresser un mur invisible lorsque celui de Berlin s'est écroulé entre le Nord et le Sud, entre les riches et les pauvres. Aussitôt, les pauvres " affamés " et les riches " arômés" se livrent à une lutte acharnée, compromettant ainsi la paix dans le monde…Mais comment parler de paix lorsque certains meurent de faim, d'autres font bombance, lorsque certains partent à la conquête de l'espace, d'autres se creusent les tombeaux ! "En Afrique, comme dans d'autres endroits de la planète, des pays ravagés par les guerres civiles et les calamités naturelles, la gente humaine, mise au pied du mur, meurt de faim. La famine est un phénomène crucial de notre ère qui pourrait frapper à toutes les portes, mais il semble que les portes du tiers monde- que l'on nomme expressément sous développé, parce que, peut être, l'on veuille, sous développés- sont les plus indiquées, certaines ont été déjà franchies. Ces pays doivent prendre dès à présent garde et conscience, car il y a là une question de survie. Par ailleurs dans le monde, la conscience et la volonté humaines sont mises à rude épreuve. La solidarité et l'entraide deviennent, à juste titre, dans certaines conditions les principaux facteurs de survie. L'enjeu est de taille et mérite cependant mure réflexion de la part de la communauté internationale toute entière. Pour commencer, un clin d'œil sur les indicateurs statistiques marquant la situation mondiale sur le plan démographique et la sécurité alimentaire. Les dimensions de notre planète demeurent constantes au moment où la population mondiale croit à un rythme alarmant. En 1950, cette dernière s'élevait à 2,5 milliards de personnes, estime la FAO. Elle a atteint 5,48 milliards au milieu de 1992, pour se stabiliser à 6, 5 milliards actuellement et devrait atteindre plus de 9,1 milliards en l'an 2050, selon les estimations de la FAO avancées tout récemment. Cela équivaut à un tiers de bouche, de plus à nourrir à travers le monde. L'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture, estime, dans ses projections, que le gros de la croissance démographique se produira dans les pays en développement et c'est en Afrique Subsaharienne que le taux de croissance sera le plus fort (+ 108%, soit 910 millions de personnes). Par contre, il sera le plus faible en Asie de l'Est et du Sud-Est (+11%, soit 228 millions de personnes). La FAO, qui marque le 16 octobre 2010, le 65ème anniversaire de sa fondation, note dans sa publication récente qu'environ 70% de la population mondiale vivra dans les villes ou les régions urbaines à l'horizon 2050, soit une augmentation de 49% par rapport à aujourd'hui, et que la quasi-totalité des pauvres sous alimentés de la planète vivent dans les pays en développement, soit 642 millions en Asie et au Pacifique, 265 millions en Afrique Subsaharienne, 53 millions en Amérique Latine et les Caraibes, 42 millions au Proche Orient et en Afrique du Nord et 15 millions dans les pays développés. Ainsi, tant aujourd'hui que demain, toutes ces populations, doivent tirer leurs moyens de subsistance à partir des ressources de la planète qui, dans de nombreux cas, se trouvent exposées à une surexploitation humaine ou une dégradation naturelle faisant appel, à une action immédiate et énergique pour équilibrer le niveau de population, de consommation et de développement afin de réduire la pauvreté absolue et de satisfaire les besoins de l'humanité toute entière. Répartition des ressources : une question d'équité De toutes les études entreprises en matière de délimitation de la faim et de la malnutrition, il en découle que la grande majorité des pauvres et des mal nourris dans le monde, vivent dans les zones rurales. Il peut ainsi paraître paradoxal qu'une frange majoritaire qui peuple les campagnes, produisant elle-même la nourriture soit sous alimentée… mais la marginalisation de l'agriculture, l'insuffisance des terres et leur distribution non équitable, la baisse des produits agricoles, l'insuffisance des services de soutien aux agriculteurs, la non maîtrise des technologies et le déséquilibre du commerce international demeurent autant de facteurs qui permettent d'expliquer ce paradoxe.