Le risque grandissant d'une "guerre des monnaies"menace la reprise de l'investissement, estime un expert de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced). Les différends entre pays sur leurs taux de change constituent une source d'incertitude supplémentaire, susceptible de décourager les entreprises d'investir hors de leurs frontières, a déclaré jeudi James Zhan, directeur de la division de l'investissement et des entreprises au sein de la Cnuced. "Nous avons observé récemment des fluctuations significatives des principales devises", a-t-il dit lors d'une conférence de presse. "Il y a un danger de guerre des devises". Les dévaluations compétitives sont une arme à double tranchant en ce qui concerne les investissements, a-t-il fait valoir. Ces outils permettent en effet d'attirer des investissements, dans la mesure où les actifs deviennent moins chers tandis que les exporations deviennent plus compétitives, a-t-il rappelé, mais ils réduisent également la valeur des profits rapatriés depuis les activités étrangères, ce qui rend les investissements moins attrayants pour une firme multinationale. La Cnuced, qui suit les flux d'investissements au niveau mondial, a indiqué que les profits réinvestis par les sociétés s'étaient contractés au deuxième trimestre de cette année, les sociétés rapatriant leurs bénéfices de peur que les dépréciations ne s'accentuent. Les afflux d'investissements directs étrangers ont baissé d'environ 25% au deuxième trimestre 2010 par rapport aux trois premiers mois de l'année, et ils sont ressortis 15% environ en deçà de leur niveau du deuxième trimestre 2009, selon des données de la Cnuced. Le dollar, sous pression depuis plusieurs semaines parce que les marchés pensent que la Réserve fédérale de Etats-Unis prendra de nouvelles mesures d'assouplissement quantitatif (QE) - opinion étayée par le compte rendu de sa dernière réunion publié mardi - a encore fortement baissé jeudi après que Singapour eut annoncé un élargissement inattendu de la marge de fluctuation de sa monnaie. Le dollar a ainsi touché jeudi un nouveau plus bas de 15 ans à moins de 81 yens et il ne semble pas que la Banque du Japon ait réagi, ont signalé des cambistes. Pendant ce temps, le Japon et la Corée du Sud échangent des amabilités. Le ministre japonais des Finances Yoshihiko Noda a mis en doute mercredi la capacité de la Corée du Sud à présider le Groupe des Vingt (G20) en raison, selon lui, des interventions répétées de Séoul sur le marché des changes. Selon la radiotélévision sud-coréenne KBS, Séoul s'est plaint par téléphone auprès de Tokyo des propos de Yoshihiko Noda. Le Japon lui-même était intervenu sur le marché des changes le mois dernier pour freiner la montée du yen. Les pays dits émergents sont courtisés par des investisseurs qui n'arrivent plus à trouver chez les grandes puissances économiques les rendements souhaités, ne serait-ce que parce que les taux directeurs de ces pays sont à des plus bas sans précédent, voire nuls. Confrontés à un afflux massif de capitaux, ces pays tendent à prendre des mesures de leur propre chef pour freiner une appréciation de leur monnaie face à un dollar mal en point, appréciation préjudiciable à leurs exportations. Ces gigantesques flux nourrissent des déséquilibres mondiaux qui risquent de remettre en cause la reprise après la crise financière sans précédent depuis des décennies que le monde vient de traverser, et peuvent à terme alimenter un protectionnisme qui ne ferait qu'aggraver les choses, craignent les autorités monétaires.