La commission électorale guinéenne a proposé d'organiser le second tour de l'élection présidentielle en Guinée dimanche prochain, le 31 octobre, une date jugée trop proche par l'un des deux candidats, Cellou Dalein Diallo. Ce vote a été repoussé à plusieurs reprises en raison de retards dans la préparation du scrutin et de violences entre partisans des deux candidats, Cellou Dalein Diallo, arrivé en tête au premier tour en juin, et Alpha Condé. La proposition a été officiellement soumise lundi au chef de l'Etat en exercice, le général Sekouba Konaté, a déclaré à la presse le président de la commission électorale, le général malien Siaka Sangaré. Sekouba Konaté dirige une junte militaire qui a prévu de remettre le pouvoir aux civils à l'issue du scrutin présidentiel. Il devrait ratifier la date proposée par la commission électorale. Cellou Dalein Diallo a cependant critiqué ce choix. Aux yeux de cet ancien Premier ministre, le pays n'est pas encore complètement remis de la dernière flambée de violences entre partisans des deux camps. Il affirme que nombre de ses partisans ont dû être évacués de Haute-Guinée à bord de 18 autocars car ils étaient victimes de harcèlement dans cette partie du pays fidèle à Alpha Condé. Le général malien Siaka Sangaré, nommé il y a une semaine à la tête de la Céni, a dit avoir fait cette proposition après "une concertation approfondie" au sein de la commission et avec les autorités de la transition. Ce choix a été fait, selon lui, en tenant compte de "la disponibilité du matériel électoral" et des "50.000 agents électoraux formés depuis une semaine" et afin de "réduire le coût du processus électoral déjà très élevé". "La proposition de date a déjà été formellement présentée hier (lundi) soir au président de la transition (le général Sékouba Konaté, ndlr) à qui revient la décision finale" de l'officialiser par décret, a-t-il ajouté. Il a fait cette annonce durant une cérémonie solennelle au Palais du peuple (siège de l'Assemblée nationale dissoute), avant de donner la parole aux deux candidats. Cellou Dalein Diallo, arrivé en tête du premier tour du 27 juin (43% des voix), a alors estimé que la date proposée était "trop proche". "C'est la première fois que je demande un report, mais la situation requiert du temps pour panser les plaies et restaurer la confiance entre les citoyens et les communautés", a-t-il dit, après une série de violences politico-ethniques survenues en fin de semaine, en particulier dans cinq villes de l'est du pays. M. Diallo, d'ethnie peule, a assuré qu'il y avait eu des "déplacements massifs de populations" ayant fui les violences, qui ne pourraient en conséquence pas voter dimanche. Il a affirmé qu'à un barrage routier à Kouroussa (est), "tous ceux qui étaient Peuls" avaient été extraits des véhicules pour être "bastonnés". Prenant à son tour la parole, le candidat Alpha Condé (18% des voix au premier tour) a affirmé n'avoir "aucune objection" à ce que le scrutin ait lieu dimanche. Mais M. Condé a d'emblée réaffirmé que "200 jeunes" de son parti "avaient été victimes d'un empoisonnement", vendredi dernier, en consommant des boissons distribuées au cours de son meeting à Conakry. "J'aurais préféré entendre une compassion à l'égard de ces jeunes hospitalisés qui souffrent", a-t-il lancé. A ce sujet, le ministère de la Santé avait seulement évoqué "120 cas suspects d'intoxication", en refusant d'établir un diagnostic tant que les résultats des prélèvements effectuées n'auraient pas été analysés. Mais la rumeur avait couru dès vendredi que "les Peuls avaient empoisonné l'eau", déclenchant des attaques contre la communauté peule à Conakry et dans l'Est, selon de nombreux témoignages. Le second tour du scrutin, déjà reporté en septembre, doit mettre fin à 26 années de régimes militaires. Il est d'autant plus attendu que l'activité économique est quasiment à l'arrêt et les habitants lassés de vivre sous tension. Le Premier ministre Jean-Marie Doré, s'exprimant en dernier, a déclaré; "nous allons partir aux élections le 31 en tenant dûment compte des observations faites par ci par là et en demandant (...) spécialement à MM. Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé de maîtriser leur langage, leurs militants et leur électorat". "Les dérives de langage ont des conséquences incalculables dans un pays où le taux d'analphabétisme est aussi élevé", a-t-il dit. La Guinée est menacée par un coup d'Etat militaire ou une guerre civile si la transition démocratique échoue, à cause "d'une dangereuse spirale de la violence ethnique", a averti pour sa part une ONG panafricaine basée à Dakar, la Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme (Raddho).