L'Algérie a appelé, par la voix de son ambassadeur au Japon, Sid Ali Kettrandji, à une action "urgente et résolue" de l'ensemble de la communauté internationale, pour sauver le patrimoine universel de la diversité biologique, "aujourd'hui gravement menacé"."Le patrimoine universel de la diversité biologique est aujourd'hui gravement menacé que la dégradation des ressources génétiques risque d'être irréversible, si une action urgente et résolue de l'ensemble de la communauté internationale n'intervenait pas à temps", a affirmé M. Kettrandji, qui a présidé la délégation algérienne à la 10e conférence des Parties à la Convention des Nations unies sur la diversité biologique, tenue dernièrement à Nagoya (Japon), a indiqué hier une source diplomatique.M. Kettrandji a noté également que la mise en place d'un cadre organisé "en mesure d'assurer un accès aux ressources génétiques et un partage des bénéfices dans des conditions préservant les intérêts des pays en développement", est une "demande légitime", tout en formulant l'espoir que le protocole en cours de négociation apportera à cette demande des "réponses appropriées". Il a ajouté que les pays en développement attachent à cette question (d'accès aux ressources génétiques) une "importance particulière", notamment les pays africains qui ont subi pendant des siècles, a-t-il mentionné, "un processus préjudiciable de surexploitation de leurs ressources". L'intervenant a souligné, d'autre part, que l'Algérie "mesure la gravité du défi de la biodiversité", précisant que la réponse à cette problématique doit être "universelle". Les 193 pays membres de la Convention sur la diversité biologique ont trouvé un accord à Nagoya (Japon) pour tenter de ralentir le rythme de disparition des espèces (amphibiens, oiseaux, mammifères ou plantes). Cet accord décline une série d'objectifs pour la décennie à venir, avec par exemple 10 % d'aires protégées sur les océans (contre moins de 1 % aujourd'hui) et 17 % sur terre (contre 13% aujourd'hui). Il crée aussi un cadre légal contraignant pour partager les bénéfices (pharmacie, cosmétique) tirés des ressources génétiques des pays du Sud qui abritent l'essentiel des espèces de la planète. D'ici à 2020, "les incitations y compris les subventions néfastes pour la diversité biologique sont éliminées, réduites progressivement ou réformées pour réduire au minimum ou éviter les impacts négatifs". D'ici à 2020, "tous les stocks de poisson et d'invertébrés et plantes aquatiques sont gérés et récoltés d'une manière durable, légalement et appliquant des approches écosystémiques de telle sorte que la surpêche soit évitée". D'ici à 2020, "17% des superficies terrestres et d'eaux intérieures (contre 13% actuellement, NDLR) et 10% des zones marines et côtières (contre 1% actuellement, NDLR) auront été conservées par le biais de réseaux écologiquement représentatifs et bien reliés d'aires protégées gérées efficacement et équitablement". D'ici à 2020, "la résilience des écosystèmes et la contribution de la diversité biologique au stocks de carbone sont améliorées, grâce aux mesures de conservation et restauration, y compris la restauration d'au moins 15% des écosystèmes dégradés, contribuant ainsi à l'atténuation des changements climatiques et l'adaptation à ceux-ci, ainsi qu'à la lutte contre la désertification". Nagoya a aussi et surtout permis de mettre en lumière la question du rôle crucial des écosystèmes (pour l'eau, l'alimentation, la santé...). Selon les experts, le rythme actuel d'extinction des espèces est sans précédent depuis la disparition des dinosaures il y a 65 millions d'années. Une espèce d'amphibien sur trois, plus d'un oiseau sur huit, plus d'un mammifère sur cinq sont menacés d'extinction au niveau mondial, selon l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN Les objectifs chiffrés concernent les aires de protection de la biodiversité. En milieu terrestre, elles devront passer en 2020 à 17 %, contre 13,5 aujourd'hui. Dans les océans, la surface protégée devra être multipliée par dix, passant de 1 à 10 %. Ces valeurs résultent de compromis. La France, par exemple, plaidait pour 25 % des terres et 15 % des mers. Les participants devaient aussi parler des bénéfices des ressources génétiques. Les grands industriels de la chimie, de la pharmacie et de la cosmétique exploitent en effet les plantes et les animaux des milieux tropicaux, mais aussi les savoirs traditionnels, pour y dénicher des molécules intéressantes mais sans que les droits des pays concernés soient reconnus. Le protocole APA, pour Accès et le partage des avantages (ou en anglais ABS, Access and benefit sharing), a été signé durant ce sommet, après huit années de négociations, et restera peut-être connu sous le nom de protocole de Nagoya. Il entrera en vigueur en 2012. Il imposera l'accord d'un pays pour l'exploitation de telles ressources (y compris ce que l'on appelle les savoirs traditionnels) et déterminera comment répartir les rétributions. Là aussi, il s'agit d'un compromis et des ONG ont exprimé leur regret que les termes soient trop flous pour lutter efficacement sur ce que beaucoup appellent la biopiraterie. Enfin, l'ONU "est invitée" à créer un nouvel organisme, déjà baptisé IPBES (Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem services) et qui constituerait une sorte d'équivalent du GIEC pour la biodiversité. Cette entité réunirait toutes les données scientifiques sur la biodiversité et produirait des documents d'informations destinés aux décideurs politiques. R.A.