Selon les prévisions de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), les cours du pétrole dépasseront la barre des 200 dollars le baril en 2035. Dans un rapport ayant pour thème les perspectives énergétiques mondiales de 2010 publié hier, l'agence qui représente les intérêts de la zone OCDE a relevé ses prévisions de cours du pétrole à moyen et long termes bien qu'elle ait réduit les prévisions de croissance de la demande d'ici à 2035, en raison d'une incertitude croissance entourant l'offre. Les cours augmenteraient même davantage si les Etats n'engageaient pas des mesures pour réduire la consommation, explique à Reuters Fatih Birol, économiste en chef à l'AIE et auteur du rapport. "Le message est clair, les prix vont monter surtout si les pays consommateurs ne modifient pas leurs habitudes, notamment dans le secteur des transports." Selon lui, des prix plus élevés sont nécessaires pour faire évoluer les habitudes de consommation et soutenir l'investissement car les marchés sont de moins en moins sensibles aux variations des cours. Birol estime aussi, que la production de pétrole brut a atteint 70 millions de barils par jour (mbj) en 2006, et, selon notre scénario de base, elle ne remontera plus jamais à ce niveau. Elle devrait évoluer à un plateau de 68 à 69 mbj dans les 25 ans à venir. La production des champs existants décline en effet de manière importante, en particulier dans les Etats non membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep). La production de ces champs devrait ainsi chuter de 69 mbj aujourd'hui à moins de 20 mbj en 2035. Il va donc falloir réaliser des investissements importants dans le développement et la recherche de pétrole, ne serait-ce que pour rester aux niveaux de production actuels. Dans ce contexte, la part de l'Opep dans la production mondiale de pétrole devrait atteindre 52%, contre 41% aujourd'hui. C'est un niveau qui n'a été atteint qu'une fois dans l'histoire, juste avant le premier choc pétrolier. "La quasi-totalité de la croissance est réalisée par les pays n'appartenant pas à l'OCDE, dont près de la moitié uniquement en Chine, principalement en raison d'une utilisation accrue de carburant pour les transports", précise l'agence. Le rapport pointe notamment du doigt les marchés où le prix à la pompe est subventionné. "Avec ces estimations de prix à la hausse, si les subventions perdurent, elles passeront de 312 milliards de dollars en 2009 à 600 millions de dollars en 2015. C'est énorme", commente Fatih Birol. Alors que l'AIE a relevé ses prévisions de prix, elle a également abaissé ses estimations de croissance de la demande pour les 25 prochaines années, de six millions de barils par jour (bpj) à 99 millions bpj. Cela représente tout de même encore une hausse de 15 millions bpj, soit l'équivalent d'une fois et demie la production actuelle de pétrole russe, par rapport au niveau actuel. L'AIE prévoit par ailleurs que la production de brut classique stagne dans les dix prochaines années. "La production de brut évoluera autour de 68 à 69 millions de barils par jour d'ici 2020 et n'atteindra plus son pic record de 70 millions de barils par jour comme en 2006." En réaction à ce rapport , les cours du brut ont touché un nouveau plus haut de deux ans. Vers 11H15 GMT (12H15 HEC), le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en décembre s'échangeait à 88,86 dollars sur l'InterContinental Exchange de Londres, gagnant 40 cents par rapport à la clôture de lundi, après avoir atteint un nouveau plus haut depuis six mois, à 89,02 dollars. A la même heure sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), le baril de "light sweet crude" (WTI) à échéance identique prenait 45 cents à 87,51 dollars. Le WTI, qui a renoué depuis une semaine avec ses niveaux de l'automne 2008, est monté mardi jusqu'à 87,63 dollars, un nouveau sommet depuis cette période. Autre source de soutien pour les cours, le billet vert effaçait son récent rebond mardi, un mouvement de nature à rendre plus attractives pour les acheteurs détenant d'autres devises les matières premières libellées en dollars, tel le pétrole. Cependant, les investisseurs restaient prudents alors que l'euro demeuraient sous la pression d'inquiétudes persistantes relatives à la santé budgétaire de certains pays de la zone euro, au premier rang desquels la Grèce, le Portugal et l'Irlande. "Les prix du pétrole sont influencés par les crises financières et les mouvements de devises, et la zone euro occupe actuellement le centre de ce maelström", commentait David Hufton, analyste chez PVM Capital. "Un défaut de paiement ou un effondrement (d'une des économies en proie à des difficultés budgétaires sévères, ndlr) provoquerait une nouvelle crise financière, et un retrait en panique de liquidités", expliquait M. Hufton. "Et toute tentative d'empêcher cette situation de se produire entraînera des changements brutaux dans l'opinion" des marchés, poursuivait l'analyste. En outre, les investisseurs guettaient la publication mercredi du rapport hebdomadaire sur les réserves américaines de pétrole, publié par le département américain de l'Energie (DoE), en quête d'indications sur l'état de la consommation aux Etats-Unis. Les stocks de brut, qui sont actuellement à leur plus haut niveau depuis 20 ans devraient avoir progressé lors de la semaine achevée le 5 novembre de 800.000 barils, selon les analystes interrogés par l'agence Dow Jones Newswires. Les stocks d'essence devraient pour leur part avoir reculé de 1 million de barils, et ceux de produits distillés (dont gazole et fioul de chauffage) baissé de 2,1 million de barils.