Tempêtes, inondations, séismes, sécheresses et autres catastrophes naturelles ont causé la mort de plus de 3,3 millions de personnes et des pertes économiques estimées à 2 300 milliards de dollars (dollars de 2008) entre 1970 et 2008. Mais, comme le révèle une nouvelle publication intitulée Natural Hazards, UnNatural Disasters: The Economics of Effective Prevention, le coût des catastrophes naturelles n'est pas une fatalité et nombreux sont les moyens qui permettraient de le réduire - et cela même en dépit des conséquences aggravantes du changement climatique. Publié le 11 novembre par la Banque mondiale et l'ONU, l'ouvrage analyse les causes qui font des aléas naturels des catastrophes et pointe la responsabilité de mauvaises pratiques et de politiques inappropriées - comme par exemple le manque d'informations diffusées à la population pour les prévisions de tempêtes, ou encore les législations sur le contrôle des loyers qui ont pour effet de dissuader les propriétaires d'entretenir leurs bâtiments et d'augmenter les risques d'effondrement pendant la mousson. " Une analyse fine des catastrophes passées, de leur déroulement et de leurs causes, peut empêcher que d'autres ne se reproduisent ", affirme l'ouvrage, fruit d'une collaboration de deux ans entre des climatologues, des économistes, des géographes, des experts en science politique et des psychologues. La prévention apparaît d'autant plus capitale que les projections prévoient une forte hausse du coût des catastrophes. Les auteurs de Natural Hazards estiment en effet que les pertes dues aux aléas météorologiques, sans même tenir compte des effets du changement climatique, pourraient tripler d'ici 2100 pour atteindre 185 milliards de dollars par an. Et, si l'on prend en compte le facteur du changement climatique, ce chiffre pourrait augmenter de 28 à 68 milliards supplémentaires en raison de la seule incidence des cyclones tropicaux. " Nous prenons acte des enjeux pour l'avenir sans pour autant nous montrer alarmistes. Nos actions actuelles de prévention vont être essentielles pour empêcher les catastrophes de demain. Le problème, c'est que nous ne sommes pas assez actifs aujourd'hui ", prévient Apurva Sanghi, économiste principal à la Banque mondiale pour le Dispositif mondial de réduction des effets des catastrophes et de relèvement (GFDRR) et auteur principal du prochain rapport spécial sur les événements extrêmes produit par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). Au cœur de la nouvelle publication, il y a l'idée forte que " non seulement la prévention est payante mais qu'elle n'implique pas forcément plus de dépenses ", indique M. Sanghi, ajoutant que " les pays, les gouvernements, les ministres des Finances et même les bailleurs de fonds peuvent faire beaucoup ". Le Bangladesh, par exemple, qui est très exposé aux cyclones, a réussi à mettre en place des systèmes d'alerte précoce et a bénéficié des progrès techniques réalisés en matière de prévision météorologique. Au fil des années, il est ainsi parvenu à réduire considérablement le nombre de décès dus aux cyclones. Comme le souligne M. Sanghi, l'exemple du Bangladesh montre que la prévention peut être efficace même dans les pays pauvres. " Les bénéficies d'une augmentation même modeste des dépenses et d'un plus grand partage international des données peuvent être très considérables, en particulier dans le domaine des systèmes qui permettent de prévenir les populations d'un danger imminent ", indique l'ouvrage. Ce partage des informations est notamment favorisé par le GFDRR*, sous la forme d'interventions au niveau local qui encouragent la collecte de données et les systèmes d'alerte précoce. Le GFDRR est par exemple intervenu en Haïti afin d'élaborer une carte des risques et des aléas destinée à orienter l'emplacement des camps de réfugiés et la reconstruction des zones endommagées par le séisme de janvier 2010. L'ouvrage remet en outre en question l'efficacité de certaines mesures de reconstruction expéditives prises à la suite d'une catastrophe, sous la pression légitime d'une population meurtrie et en colère. En particulier, l'adoption de codes du bâtiment plus contraignants est, selon la nouvelle publication, moins efficace qu'il n'y paraît. L'ouvrage soulève également la question des relogements. Les personnes qui vivent dans des zones à risque - et qui appartiennent souvent aux couches les plus vulnérables de la population - ne le font pas par fatalisme ou par inconscience, mais pour être plus proches de leur lieu de travail. Dans ces conditions, les relogements qui leur sont imposés pour des raisons de sécurité se heurtent souvent à des résistances. L'ensemble des conclusions et des recommandations de la publication met en exergue le rôle crucial des institutions dans la prévention : il est indispensable de disposer d'institutions qui permettent à la population de s'impliquer et d'assurer sa mission de surveillance. Dans son chapitre final - documenté par d'éminents climatologues et économistes du MIT, de Harvard, de Yale, de Resources for the Future et d'autres institutions -, l'ouvrage aborde l'existence des risques de catastrophes mondiales induites par le climat, sous l'effet de la fonte de l'Antarctique Ouest et de la calotte glaciaire du Groenland ou des perturbations des courants océaniques. Même si les mécanismes de ces événements demeurent incertains, " de récentes évaluations scientifiques indiquent que les risques liés au changement climatique semblent s'être aggravés aujourd'hui par rapport aux années antérieures ", constate la publication. Afin de gérer ces risques de catastrophes, les auteurs proposent un portefeuille de mesures flexible, comportant une réduction rapide des émissions pour stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère et des stratégies d'adaptation à grande échelle pour le moyen terme. R.N.