L'Irak et la Syrie ont rétabli mardi leurs relations diplomatiques après une rupture d'un quart de siècle, marquant un rapprochement historique entre les deux voisins qui renforce la pression sur l'administration américaine pour changer de politique à l'égard de Damas. Dans une première réaction, la Maison Blanche a appelé la Syrie a faire preuve d'un "engagement constructif" envers le gouvernement irakien et à stopper l'infiltration en Irak de combattants étrangers rejoignant l'insurrection contre les troupes américaines. Le secrétaire général de l'Onu, Kofi Annan, a déclaré à Genève que les Etats-Unis sont "pris au piège" en Irak, où leurs troupes ne peuvent ni rester ni partir. L'Irak et la Syrie ont annoncé la normalisation complète de leurs relations au dernier jour d'une visite à Bagdad du chef de la diplomatie syrienne Walid Mouallem, dont le pays est accusé de déstabiliser l'Irak en proie à une violence endémique sanglante. D'ailleurs, les autorités irakiennes, dont le Premier ministre Nouri Maliki, ont tenu à signifier à M. Mouallem que la Syrie devrait faire plus pour aider à rétablir la sécurité en Irak et ce dernier s'est engagé au nom de son pays à contribuer à une pacification de l'Irak. "Nous venons de conclure un accord en vertu duquel les relations diplomatiques rompues depuis un quart de siècle ont été complètement rétablies", a déclaré le ministre irakien des Affaires étrangères Hoshyar Zebari lors d'une conférence de presse à Bagdad. M. Zebari a ajouté que les deux parties sont convenues de "coopérer en matière de sécurité" et que des experts des deux pays allaient se rencontrer pour discuter de ces questions. Le chef de la diplomatie syrienne, dont le séjour à Bagdad est le premier d'un responsable de ce rang depuis la chute du régime de Saddam Hussein en 2003, a exprimé l'espoir que sa visite ouvrirait de "nouvelles perspectives de coopération et d'entente". La Syrie est accusée de soutenir certaines milices irakiennes et de laisser entrer des combattants qui viennent grossir les rangs de la guérilla dont les attaques incessantes tuent des Irakiens tous les jours. Mais M. Mouallem a dit qu'il "ne voulait pas revenir à ces accusations, car notre visite a pour objectif de bâtir un nouveau mécanisme de coopération et tant qu'il y a une volonté politique et des bonnes intentions, je pense que les question de sécurité seront bien étudiées par les experts des deux pays". Tout au long de sa visite, il a condamné "le terrorisme visant le peuple et les institutions irakiens". "Nous voulons accroître la coopération politique et économique ainsi qu'en matière de sécurité", a-t-il souligné. Selon l'armée américaine, 50 à 70 combattants traversent tous les mois la frontière irako-syrienne. Dans ce contexte d'ouverture politique pour tenter de rétablir la sécurité en Irak, le président Jalal Talabani est attendu samedi en Iran, un pays allié de la Syrie dans la région, également accusé de soutenir les insurgés irakiens et de contribuer aux violences confessionnelles. Interrogé sur la possibilité de tenir à cette occasion un sommet tripartite auquel se joindrait le président syrien Bachar al-Assad, M. Zebari a nié. "Il n'y aura pas de sommet entre l'Irak, l'Iran et la Syrie". "M. Talabani a reçu une invitation de l'Iran où il est attendu en fin de semaine comme il a reçu une autre invitation de la Syrie", dont il n'as pas précisé la date, a dit le ministre irakien. La Syrie comme l'Iran sont les deux bêtes noires des Etats-Unis dans la région, mais les appels se sont multipliés récemment pour des discussions directes entre Washington et ces deux pays. Le sénateur Joseph Biden, qui présidera à partir de janvier la puissante commission du Sénat américaine pour les Affaires étrangères, a appelé à des discussions pour conduire la Syrie et l'Iran vers un "accord de non-agression" avec le gouvernement irakien. En 1980, au début de la guerre de huit ans qui l'avait opposé à l'Iran, l'Irak de Saddam Hussein avait rompu ses relations avec la Syrie pour protester contre le soutien apporté par Damas à Téhéran. Les deux pays sont restés en froid pratiquement jusqu'au renversement de Saddam Hussein, à l'exception d'un léger réchauffement à la fin des années 1990.