Le président équatorien Rafael Correa a appelé les pays membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) à soutenir l'idée d'une taxation des exportations pétrolières. "Appliquer une taxe sur les sources d'émissions (de gaz à effet de serre, ndlr) permettrait d'atteindre la justice économique et la justice climatique car les consommateurs de pétrole payeront davantage pour des émissions à produire", a fait valoir samedi soir M. Correa dont le pays a abrité la réunion ministérielle de l'organisation pétrolière. Selon le responsable équatorien, dont le pays assurait, cette année, la présidence de l'Opep, l'application d'une taxe de 5% sur l'ensemble des exportations de brut actuelles pourrait générer annuellement quelque 40 milliards de dollars. "L'Opep pourrait réussir là où le protocole de Kyoto a échoué, à faire en sorte que les émetteurs de CO2 assument les effets de leurs actions et paient pour la pollution qu'ils génèrent", a assuré M. Correa. Le fonds ainsi crée et alimenté pourrait être utilisé pour compenser les effets du réchauffement climatique et financer la réduction des émissions de CO2, en aidant notamment à combattre la pauvreté dans les pays pauvres importateurs de pétrole, a-t-il poursuivi. Notons que l'Opep a décidé, samedi, de maintenir inchangés ses quotas de production lors de sa réunion extraordinaire à Quito. Reconduit pour la septième fois consécutive depuis janvier 2009, ce statu quo était attendu, le secrétaire général de l'Opep ainsi que la quasi-totalité des ministres présents à Quito ayant fait savoir avant la réunion qu'un changement des quotas serait très improbable, en dépit de la récente hausse des cours du baril au-dessus du seuil de 90 dollars pour la première fois depuis plus de deux ans. "La conférence a décidé de maintenir ses niveaux actuels de production", fixés à 24,84 millions de barils par jour (mbj) depuis le 1er janvier 2009, selon le communiqué final diffusé par l'Opep à l'issue de sa 158e réunion, organisée dans la capitale andine. "L'augmentation de la consommation mondiale de brut devrait être moins importante en 2011 qu'en 2010", a indiqué le cartel, pointant une recrudescence des incertitudes économiques (crise des dettes en Europe, consommation des ménages à la traîne et chômage élevé dans les pays développés) susceptibles d'obérer la demande mondiale. Concernant la conjoncture économique, "il y a davantage d'optimisme prudent que lors de notre dernière rencontre à Vienne (en octobre), mais rien ne doit être tenu pour acquis", a averti le ministre équatorien Wilson Pastor-Morris, dont le pays assurait cette année la présidence de l'Opep. La récente envolée des cours du baril, qui ont franchi cette semaine à New York, le seuil des 90 dollars pour la première fois depuis plus de deux ans, n'a pas changé la donne, plusieurs ministres de l'Opep estimant ce niveau justifié. L'effritement de la monnaie américaine, notamment face à l'euro, "fait souffrir nos pays producteurs, parce que nous vendons notre pétrole en dollars, mais nous achetons en euros; vous pouvez voir combien nous perdons...", a fait valoir le secrétaire général de l'Opep, Abdallah Salem al-Badri. Certains pays, inquiets de la dégradation de leurs revenus réels, appelaient même de leurs voeux un baril à 100 dollars, à l'instar de l'Iran, de la Libye ou du Venezuela. Des ardeurs tempérées par l'Arabie saoudite, gendarme de l'Opep: des cours "de 70 à 80 dollars" correspondent à "un juste niveau", a affirmé samedi le ministre saoudien Ali al-Nouaïmi, resserrant la fourchette jugée confortable par le plus gros producteur du cartel, qu'il avait précédemment fixée entre 70 et 90 dollars. "Les prix que nous constatons en ce moment sur le marché n'affectent pas la croissance mondiale", a assuré M. al-Badri, réaffirmant que, davantage que les prix, l'organisation se préoccupait "de la demande, des stocks et de l'offre". Or, le marché avait été, avant la réunion, décrit comme "très bien approvisionné" par plusieurs pays, dont les Emirats arabes unis et la Libye. "Nous ne fixons pas le prix sur le marché, nous voulons seulement que l'offre réponde à la demande, et le marché est actuellement bien pourvu: il y a même sept jours de surcapacité (de l'offre)", a renchéri M. Pastor-Morris. Le statu quo de l'Opep, qui réunit douze pays et produit 40% du brut mondial, était largement attendu, la quasi-totalité des ministres présents à Quito ayant fait savoir au préalable qu'un changement des quotas serait très improbable. Signe de l'absence d'enjeu de la rencontre, quatre ministres (Nigeria, Koweit, Qatar et Irak) n'ont pas fait le déplacement en Equateur. La discipline du groupe s'est progressivement effritée depuis deux ans, à tel enseigne que les onze pays soumis aux quotas (l'Irak en étant dispensé) n'appliquaient plus en novembre qu'à 54% les baisses de production imposées par le cartel, selon l'Agence internationale de l'Energie (AIE). A la suite de l'Equateur, l'Iran, deuxième plus gros producteur de l'organisation, prend pour l'année prochaine la tête de l'Opep, alors que Téhéran fait face à des sanctions internationales et à une rivalité accrue avec son voisin irakien.