Professeur Abderrahmane MEBTOUL expert international, économiste Je me propose d'analyser le bilan de l'année 2010 en sept parties interdépendantes comme suit : I- L'année 2010 a vu les ondes de choc de la crise mondiale d'octobre 2008, qu'en est-il pour l'Algérie ? -II- L'année 2010 a vu des scandales de corruption à répétition - III- L'année 2010 a vu la généralisation du CREDOC et un nouveau code des marchés publics-IV - L'année 2010, a vu l'encadrement de l'investissement étranger-V- L'année 2010 a vu continuer le feuilleton DJEZZY- VI- En 2010, l'Algérie demande la révision de l'Accord d'association avec l'Union européenne et enfin VII- En conclusion, l'année 2010 a vu l'intensification de la dépense publique, mais une instabilité juridique et le manque de visibilité dans la politique socio-économique. I- L'année 2010 a vu les ondes de choc de la crise mondiale d'octobre 2008, qu'en est-il pour l'Algérie? L'année 2010 a vu continuer les ondes de choc de la crise mondiale d'octobre 2008 à l'instar du krach d'octobre 1929 consécutif à une bulle spéculative amplifiée par le nouveau système d'achat à crédit d'actions, les investisseurs pouvant acheter des titres avec une couverture de seulement 10 %, le taux d'emprunt étant fonction du taux d'intérêt à court terme et la pérennité de ce système dépendant donc de la différence entre le taux d'appréciation des actions et ce taux d'emprunt mais à la différence qu'il y a une interdépendance accrue des économies et donc que la crise est devenue mondiale. Cependant, nous sommes passés d'une crise bancaire à un e crise de l'endettement excessif des Etats avec la crise grecque , irlandaise , qui risque de se propager à d'autres pays fragiles de la zone euro comme le Portugal, l'Espagne , l'Italie , les pays résistants au mieux étant la France, et surtout l'Allemagne locomotive de cette zone . Après je politique de déficit budgétaire renvoyant à al théorie keynésienne de courte durée, les gouvernants sont revenus à une orthodoxie monétaire. Les leçons à tirer est qu'une politique monétaire sans liens avec la sphère réelle et donc une régulation globale, posant d'ailleurs la problématique de la suprématie du dollar déconnecté vis-à-vis de l'or depuis 1971, comme monnaie de transaction internationale( 60% en 2010 contre 26% pour l'euro) , dont la valeur bien qu'ayant diminué selon les fluctuations entre 30/40% par rapport à l'euro depuis 2000, tient surtout aux fonds souverains déposés par la Chine ( plus de 700 milliards de dollars sur un total de réserves change chinois dépassant 2600 milliards de dollars en septembre 2010, les USA continuent par l'importance de leur déficit budgétaire à se comporter comme une banque d'investissement qui se finance massivement en émettant de la dette et investissant de façon colossale en actifs risques étrangers (stocks, investissements directs). Cependant il faut éviter l'utopie. Certes , la Chine avec 1,3 milliard d'habitants étant devenue la deuxième puissance économique mondiale en termes de produit intérieur brut ( PIB) en 2010 mais avec un PIB par habitant à un niveau des pays pauvres de la planète, avec de profondes disparités de richesse, tout dépendant à l'avenir de l'évolution du pouvoir d'achat (extension de la demande solvable) fonction de l'extension des couches moyennes. Elle a un marché intérieur potentiellement important mais réellement encore limité avec un taux de croissance tiré par la dépense publique dépendante fortement pour ses exportations d'une reprise économique de l'Europe et des USA ce qui explique qu'elle s'est porté au secours de certains pays d'Europe comme la Grèce , l'Espagne et le Portugal, de certains pays de l'ex camps communiste membre de cette zone , non par philanthropie mais pour des raisons économiques 60% de ses exportations allant vers la zone euro. D'une manière générale l'année 2010 a vu la prise de conscience d' une nouvelle gouvernance mondiale avec des institutions supranationales de régulation comme en témoigne le poids grandissant des pays émergents comme la Chine , l'Inde le Brésil qui préfigure de profonds bouleversements géo stratégiques entre 2015/2020, au vu du passage du G8 au G20. A-t-on tiré les leçons de cette crise ? Or, outre le fait de se poser la question si face à la crise mondiale qui est structurelle et non conjoncturelle, le prix Nobel d'économie de 2001 Joseph Stiglitz estime que ces actions ne sont qu'une solution à court terme les comparant à "une transfusion sanguine massive à une personne souffrant d'une grave hémorragie interne". Par rapport à cette situation l'Algérie dont le système financier est totalement déconnecté du système financier international étant une économie de rente , 98% de ses exportations provenant des hydrocarbures et important s75% de ses besoins ,a un effet limité de la crise mondiale et a continuer à favoriser la dépense publique. La crise a un effet indirect via les hydrocarbures et le placement de nos réserves de change à l'étranger (environ 80%) les taux directeurs des banques centrales étant bas et avec le taux d'inflation, les rendements étant presque nuls. -Les prix du baril du pétrole se sont légèrement redressés en 2010 non pas dus à des facteurs essentiellement économiques mais surtout spéculatifs tandis que le prix du gaz du fait de la révolution du gaz non conventionnel plafonne toujours entre 4/5 dollars le million de BTU, le prix de cession du gaz étant totalement déconnecté vis à vis du prix du pétrole. L'Algérie étant avant tout un pays gazier et non pétrolier ( moins de 1% des réserves mondiales contre 3% pour le gaz ) cela aura un impact sur le rythme futur du financement , la rentabilité des installations gazières en Algérie la bulle gazière s'étendant jusqu'à 2016/2017, tant pour les canalisations ( GN) que des unités GNL dont la rentabilité varie entre 10/14 dollars le million de BTU , les coûts de Sonatrach étant supérieurs à la moyenne de l'OPEP sans compter la faiblesse du management des ressources humaines. Se posera donc un véritable problème aussitôt les contrats à moyen terme arrivant à expiration horizon 2013/2014.
II- L'année 2010 a vu des scandales de corruption à répétition Sonatrach est l'Algérie et l'Algérie est Sonatrach l'année 2010 a vu le scandale financier de Sonatrach qui n'est pas terminé. Mais cela touche presque tous les secteurs comme ceux de la route Est Ouest dont le coût prévu était d'environ 7 milliards de dollars en BOT et qui arrivera à plus de 14 milliards de dollars sur fonds publics, les banques ce qui se répercute négativement sur l'image de l'Algérie. Tout cela est lié à une corruption socialisée l'Algérie est classé au niveau international 2010 avec un niveau de corruption élevé qui démobilise la population et favorise le divorce Etat/citoyens. Cela renvoie à une gouvernance mitigée et à l'urgence de la démocratisation de la gestion économique et politique concernant tant la gestion de la rente des hydrocarbures propriété de toute le peuple algérien que la gestion des réserves de change et une plus grande transparence dans l'octroi des crédits des banques primaires qui ne sont que l'effet indirect de cette rente .Sans cela, les mesures telles que l'installation de l'observatoire sur la lutte contre la corruption, la réhabilitation de la cour des comptes, le recours à la monnaie scripturale (chèques ou cartes bancaires) pour tout paiement supérieur à 500 000 DA qui entrera en vigueur le 31 mars 2011, cette date ayant été retenue de sorte à garantir que les banques seront entièrement en mesure de répondre à la demande du public pour l'ouverture de comptes et pour l'obtention rapide de chéquiers, seront d'une portée limitée. Il s'agira donc pour rendre opérationnel de telles mesures d'avoir des informations et des réseaux d'information fiables transparents connectant notamment la douane, la fiscalité , les banques et de nouveaux mécanismes de régulation tant au niveau des entreprises , central que local, puisque les walis sont en charge de bon nombre de projets. Il en sera de même pour les deux lois relevant du domaine du commerce adoptés à l'APN le 12 juillet 2010 relatives aux textes amendant et complétant les anciennes législations énumérées dans la loi 05-02 du 23 juillet 2004 liées aux pratiques commerciales et celle du 19 juillet 2003 relative à la concurrence, mettant en avant la nécessité d'une intervention plus efficace des pouvoirs publics à travers notamment les mécanismes de contrôle dont dispose le ministère du Commerce afin de limiter les effets de la spéculation sévissant dans le domaine de la pratique commerciale ayant un impact négatif sur le pouvoir d'achat du citoyen. En effet, la difficulté d'appliquer cette mesure réside en le fondement de la sphère informelle ne pouvant isoler cette sphère de la sphère monétaire avec la dominance en Algérie des mécanismes de régulation , des institutions et pratiques informelles. Les chiffres en Algérie, faute d'enquêtes précises, sont les plus contradictoires 4O à 5O% de la masse monétaire en circulation hors banques, avec une intermédiation financière informelle limitant la politique monétaire globale de l'Etat, mais beaucoup plus si l'on inclut les transactions en nature. Cette dualité de l'économie algérienne rend difficile la régulation tout en pouvant favoriser également la fausse monnaie dont l'année 2010 a permis de mettre en relief l'ampleur. L'efficacité d'une telle mesure doit fondamentalement reposer sur une plus grande cohérence et visibilité dans la politique économique et sociale.
III- L'année 2010 a vu la généralisation du CREDOC et un nouveau code des marchés publics Le gouvernement entend faire du CREDOC le seul moyen de paiement selon la loi des finances complémentaire 2010. Le crédit documentaire CREDOC est tout engagement pris par une banque pour le compte d'un tiers (donneur d'ordre) ou pour son propre compte de payer à un bénéficiaire (prestataire de service, vendeur, fournisseur...) un montant déterminé sur présentation, dans un délai fixé, des documents conformes aux termes et conditions fixés dans le contrat. Or le passage sans transition du Remdoc au Crédoc du fait à la fois de l'importance de la sphère informelle, a fortement pénalisé la majorité du tissu productif constitué de PMI/PME (la structuration des entreprise y compris publiques étant la suivante : - 49,90 % personnel -32,14 % SNC -13,32 % SARL -4,64 % SPA dont Sonatrach et Sonelgaz).n'ayant pas les fonds de roulement. Et surtout que le système financier est bureaucratisé dont les réformes sont souvent annoncées mais différées car lieu de redistribution de la rente, enjeu énorme de pouvoir, ( le Crédoc étant une pratique normale dans une économie structurée mais coûtant plus cher que le Remdoc )ce qui fait que ces mesures non adaptées n'ont pas eu les effets escomptés comme la baisse de la valeur des importations , ces dernières étant liées à l'importance de la dépense publique et surtout à sa mauvaise gestion.