Depuis de nombreuses années, l'annonce de plantes transgéniques tolérantes à la sécheresse fait la une de la presse. Au point de susciter l'amusement des militants anti-OGM, qui ironisent sur ces éternelles promesses de plantes à venir. Or, il semblerait que cette fois-ci soit la bonne. Dans un rapport consacré aux perspectives d'amélioration génétique des plantes cultivées face à la sécheresse, la Fondation Farm révèle en effet que deux variétés de maïs résistant au stress hydrique sont en cours d'homologation aux Etats-Unis et pourraient être plantées dès le printemps 2012 dans les Etats américains du Kansas et du Nebraska, à l'ouest de la traditionnelle "corn belt". Des maïs tolérants à la sécheresse vont être mis à la disposition des agriculteurs confrontés au manque d'eau. "Avec le changement climatique, la réduction de la consommation d'eau en agriculture devient un enjeu de plus en plus incontournable" explique Bernard Bachelier, le directeur de la Fondation pour l'agriculture et la ruralité dans le monde (Farm). Initié par le programme international Wema (Water Efficient Maize for Africa), le projet vise à introduire gratuitement les gènes concernés dans les variétés de maïs utilisées par les paysans locaux pour se nourrir. Deux variétés en cours d'homologation devraient être d'abord cultivées aux Etats-Unis à partir du printemps 2012, notamment dans les Etats de l'ouest de la Corn Belt comme le Kansas ou le Nebraska. L'Afrique prendra le relais dès 2013 pour quatre ans. De son côté, Pioneer et Syngenta ont obtenu des maïs tolérants au stress hydrique, essentiellement grâce à la sélection assistés par marqueurs (SAM), qui identifie par des marqueurs des séquences d'ADN dans les chromosomes susceptibles de contenir des caractères recherchés de la plante. Cette méthode facilite l'identification de plantes performantes triées et fait gagner un temps considérable. Pour sa part, Monsanto, en partenariat avec BASF, a combiné la SAM avec la technique de la transgenèse, qui consiste à insérer un gène - dans le cas présent, un gène baptisé cspB, découvert chez Bacillus subtilis, une bactérie du sol. "La tolérance à la sécheresse fait partie depuis très longtemps des critères de sélection pour le maïs. Et les variétes disponibles aujourd'hui résistent mieux que les variétés d'il y a vingt ans. Le problème, c'est que le comportement face au stress hydrique reste un phénomène très complexe qui implique de multiples gènes, notamment ceux qui interfèrent avec les stomates des plantes, mais pas seulement", note Yann Fichet, responsable chez Monsanto. "Le flux d'eau traversant la plante est très important au regard de sa teneur en eau à un instant T. Dès lors, elle est constamment en conflit entre l'ouverture des stomates pour se nourrir et leur fermeture afin d'économiser l'eau ", confirme en effet Laure Gaufichon, biologiste et auteur du rapport de la Fondation Farm. Or, lorsque la plante ferme les stomates pour économiser de l'eau, elle stoppe également son métabolisme de croissance en arrêtant la photosynthèse. Ce qui entraîne également une limitation des rendements. Tout l'enjeu est donc d'arriver à préserver le potentiel de rendement tout en ayant des plantes qui se comportent correctement en situation de stress. "Une étape essentielle a été franchie avec nos nouvelles variétés. Car le gène cspB contribue à maintenir l'activité métabolique de la plante - certes réduite - malgré le stress. L'avantage apporté se traduit différemment selon les situations : en situation irriguée, on obtiendra le même rendement en utilisant moins d'eau, et en situation non irriguée avec pics de chaleur, on limitera les pertes", explique Yann Fichet. D'où la perspective d'un gain de rendement de 6 à 10 % en conditions de sécheresse, sans effet négatif en conditions non stressantes. En Afrique, où cette technologie sera disponible dans environ cinq ans grâce au programme Wema (Water efficient maize for Africa) mené par la Fondation africaine pour les technologies, les gains de rendements seront encore plus importants. "On estime qu'en intégrant le gène à des variétés locales adaptées en Afrique, on pourrait probablement obtenir des maïs permettant de gagner du rendement - +10 à +30% -, ou plus exactement de limiter les pertes catastrophiques de rendement en cas de stress de sécheresse. Les cinq pays partenaires de Wema sont le Kenya, l'Ouganda, le Mozambique et l'Afrique du Sud où l'expérimentation a bien progressé", poursuit Yann Fichet. Certes, ces chiffres particulièrement élevés le sont aussi en raison de la faiblesse des rendements actuels. Notons que les régions sèches abritent environ deux milliards de personnes, soit le tiers de l'humanité, et couvrent plus de 40 % de la surface de la planète. Le continent africain a connu sept périodes majeures de sécheresse au cours des quatre dernières décennies. Dans deux régions clés, le Sahel et la corne de l'Afrique, les sécheresses de 1972-1974 et de 1981-1984 ont massivement touché la population, causant des perturbations sociales profondes. En dégradant globalement les écosystèmes, la désertification prive les moins nantis de services environnementaux essentiels. Une terre dégradée ne peut plus produire de récoltes, de fourrage pour le bétail ou de bois combustible. On observe déjà, pour l'Afrique, des rendements agricoles inférieurs d'un tiers à ceux obtenus en Asie. De fait, l'Afrique sub-saharienne est la seule région du monde dans laquelle la production alimentaire stagne, alors que la faim gagne du terrain. La préservation de la fertilité des sols et la protection de la base de ressources écologiques est primordiale pour les économies fondamentalement agraires des 47 pays, au sud du Sahara, dont les activités agricoles représentent 25 % à 50% du produit intérieur brut.