C'est un livre qui date de mars 2009, sauf qu'après avoir été publié aux éditions françaises de l'Aube, "L'Une et l'Autre" suivie de "Mes pairs " de Maïssa Bey vient d'être réédité aux éditions Barzakh. Le livre -comme toute la production littéraire de cette écrivaine d'expression française, est court: 89 pages. Avec cet ouvrage, elle se projette dans l'introspection d'elle-même. Maïssa Bey s'interroge mais aussi donne des réponses sobres au sens que pourrait avoir le fait d'être musulman, arabe, d'avoir vécue orpheline d'un père instit complètement mystifié dans son "Entendez-vous dans les montagnes." Maïssa Bey ira jusqu'à montrer dans ce livre une photo de lui et un certificat signé par un administrateur français d'une bourgade de l'ouest, attestant que Monsieur Bey était un citoyen irréprochable. Comme si les bonnes manières se décrétaient …et par qui ? Un colon ! L'écrivain dont certains ouvrages comme " Bleu blanc vert " sont enseignés au lycée français de Ben Aknoun à Alger, a peut être avoir beau jeu d'affiner son orgueil. Plume relativement preste, Maïssa Bey est considérée par les milieux littéraires comme un écrivain de la nouvelle génération. Elle pèserait selon ces milieux-là très lourd parce que ses livres se vendent bien ici comme ailleurs. Des chiffres on n'en donne aucun, ça pourrait compromettre les éditeurs qui déclarent que ce qu'ils veulent déclarer. Comme dans tous ses ouvrages, Maïssa Bey revient dans ce petit ouvrage de 58 pages chez l'Aube et de 89 chez Barzakh, sur son pays et sur sa propre personne. Des questionnements, des doutes des interrogations, mais aussi des certitudes foisonnent dans cet ouvrage à travers lequel l'auteure tente de se découvrir, de saisir son propre portrait en s'adonnant à l'acte d'écrire. "J'écris pour découvrir mes propres pensées " écrivait Simone De Beauvoir dans la "Force des choses". C'est donc à une introspection que se livre l'écrivaine qui déjà, dans "Entendez-vous dans les montagnes", était longuement revenue sur une période de son enfance, la guerre, l'engagement de son père pendant la révolution ainsi que les déchirures qui s'en étaient suivies. Dans " L'Une et l'Autre", un titre qui résume un peu le positionnement culturel et social de cette femme, Maïssa Bey commence ainsi son récit : "Je suis femme, algérienne, arabe, de tradition musulmane… et écrivain. " C'est par ces attributs qu'elle se définit, qu'elle façonne son portrait moral se lançant à la recherche de son identité - la sienne bien sûr, mais aussi celle de la femme que nous sommes, tout ou partie. Comment l'Algérie française (termes par essence contradictoires) a-t-elle pu, après son indépendance, devenir "algérienne" ? Que signifie cette algérianité ? À quelle arabité renvoie-t-elle ? À quelle religiosité fait-elle référence ? La diversité linguistique et culturelle de l'Algérie ne se heurte-t-elle pas à la construction d'un Etat- nation ? Comment l'héritage français est-il, dans cette postcolonie, intégré ? Que ce soit à travers son écriture, l'association de femmes ou encore la bibliothèque mise en place sous sa houlette à Sidi Bel- Abbès, " Maïssa Bey, cette Algérienne rayonnante, traque sans merci la situation de la femme dans ce pays qui tarde à prendre son envol, ressassant sans cesse les "méfaits de la colonisation". Recherche identitaire Tous les écrivains algériens et notamment africains qui ont vécu le fait colonial ont eu le souci d'ébaucher une réflexion à travers leur roman sur le sens que pourrait recouvrir le fait d'appartenir à un pays anciennement colonisé. En clair, tous ont abordé avec plus ou moins de consistance le problème identitaire. Des valeurs définitivement intégrées dans la constitution depuis le gouvernement de Ben Bella en deux mots : " l'Islam, l'Arabité ". Ces valeurs-là nient bien sûr tout l'héritage culturel légué par 130 ans de colonialisme français. Dans " L'Une et l'Autre ", Maïssa Bey, aborde ce sujet en s'appuyant sur son histoire personnel, ce qui pourrait d'ailleurs être anecdotique et ôter par là toute résonance objective à ce qui est le fait identitaire. En devenant écrivain, elle s'est libérée de ses jougs - tant historiques que personnels - pour se construire, elle, et transmettre cette étonnante liberté à ses pairs, à ses filles,... à ses fils, à une Algérie qui n'en finit pas, avec tant de violences souvent, de détricoter son histoire ", écrit-on en présentation de ce livre. Dans toujours un note de l'éditeur, il écrit : " Je suis votre hôte aujourd'hui. A la fois celle qui est reçue et celle qui accueille. Vous me recevez chez vous et je vous accueille dans ma demeure de mots, au seuil de laquelle je me tiens, portes ouvertes." Qui est Maïssa Bey? Une Algérienne, issue d'une famille musulmane. Et femme, "avec toutes les représentations que ce mot peut faire surgir quand il est associé aux précédents". A notre (les éditions Aube, NDLR) demande, elle a rédigé cet autoportrait - magnifique -, qui se conclut par une évidence: femme, algérienne et lectrice, Maïssa Bey est aussi, et magistralement, écrivain.