Alors que les prix de plusieurs denrées alimentaires battent à nouveau des records, de plus en plus de chercheurs envisagent une rupture radicale des systèmes agricoles pour éradiquer la faim d'ici à 2050. Aussi, une récente étude de l'Inra et du Cirad synthétisé dans l'ouvrage " Agrimonde ", conclut que nourrir la planète et ses 9 milliards d'habitants en 2050, tout en préservant les écosystèmes n'est possible qu'à trois conditions :à savoir manger moins et mieux (dans les pays riches), gaspiller moins, produire plus propre et, enfin, approvisionner les pays structurellement importateurs (Asie, Afrique). Pour nourrir 9 milliards d'habitants en 2050 tout en préservant les écosystèmes, il faudra d'abord revoir les habitudes alimentaires des pays industrialisés, c'est-à-dire passer de 4.000 kcal par habitant et jour (consommation de 2003) à 3.000 kcal dans les pays de l'OCDE. Ensuite, il faudra innover dans des systèmes productifs et écologiques. A ce sujet, l'agroforesterie semble porteuse d'espoir, selon les experts du groupe Agrimonde. Enfin, il s'agira d'organiser les échanges internationaux des produits agricoles en prévision de l'augmentation des importations de l'Asie, de l'Afrique et du Moyen-Orient. " Il faudra donner des limites à la volatilité des prix sur le marché mondial ", a insisté Marion Guillou, présidente de l'Inra. La piste de création de stocks réels ou virtuels a été proposée. Les conclusions du travail Agrimonde vont orienter les recherches des dix prochaines années notamment vers la réduction des pertes et des gaspillages (jusqu'à 50 % au niveau des consommateurs en France !), travailler sur le blé en prévision de l'augmentation des températures dans les zones européennes, ou encore sur les moyens de continuer l'élevage bovins tout en limitant les GES. Marion Guillou, présidente de l'Inra et Patrick Caron, directeur scientifique du Cirad ont présenté, en anglais, les fruits de cette réflexion, accompagnés des commentaires de Sandrine Paillard, de Bruno Dorin et Hervé Guyomard, entre autres. " En aucun cas nous ne prédisons l'avenir dans ce travail, prévient avec force Patrick Caron. Nous partons de l'hypothèse majeure que la terre pourrait supporter à l'horizon 2050 neuf milliards d'êtres humains. Et nous essayons d'imaginer comment ils pourront avoir accès à une alimentation suffisante ". Comment ? En s'appuyant sur les richesses des écosystèmes et les principes de l'écologie intensive, estiment les chercheurs. Ceci permettrait de proposer des solutions adaptées. Car l'environnement et les aléas climatiques restent deux défis majeurs. Possible mais bigrement compliqué, comme le montre la " foultitude " de données collectées par Agrimonde. Cela oblige aussi la recherche agronomique à se remettre en question et à travailler différemment. Ce travail réfléchi aborde aussi nos comportements alimentaires. Si dans les pays du Sud près d'un milliard de personnes souffrent de malnutrition, il y a parallèlement dans les pays développés 700 millions d'obèses. L'Inra et le Cirad abordent la question de l'équilibre nutritionnel et la lutte à mener contre le gaspillage. En Afrique ou en Asie, il faut en revanche arriver à limiter les pertes liées aux difficultés logistiques et de stockage. La recherche agronomique veut aussi investir la question de la volatilité des prix agricoles pour proposer des solutions. L'agriculture se retrouve aussi en première ligne pour la mise au point de stratégies agricoles et agroforestières qui peuvent donner des réponses à la raréfaction des énergies fossiles, sans nuire à la production de denrées alimentaires. Tout en réduisant les émissions des gaz à effet de serre.