Connus pour être de grands consommateurs du tabac sous ses formes, les Algériens continuent à s'alimenter dans un marché douteux échappant, souvent, à tout contrôle. Selon les chiffres de l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA), 60% de ces produits sont contrefaits, un chiffre qui ouvre la voie à toutes les interrogations. Pour ce qui est du marché des cigarettes, M. Boulenouar, porte-parole de l'UGCAA, dira qu'il est moins touché, le comparant à celui du tabac à chiquer (chemma), "cependant, il en reste que des quantités considérables de ces cigarettes contrefaites parviennent au consommateur final". Aidés souvent par des africains, des contrefacteurs algériens imitent notamment les grandes marques, à l'instar de Marlboro, Winston et Gauloise, pour les écouler enfin dans les circuits de l'informel. "Des cigarettes contrefaites parviennent aussi par voie de l'importation où le contrôle reste très limité", ajoute M. Boulenouar, qui a mis l'accent sur le fait que le marché du Tabac à chiquer est le plus gangrené par la contrefaçon, du fait que sa fabrication ne demande pas de gros moyens, la comparant à celle des cigarettes. Ainsi, les services de sécurité avaient démantelé plusieurs de ces entreprises fantômes qui visent un marché de 8,5% d'Algériens consommant ce produit, signe de la gravité de la situation. Un propriétaire d'un bureau tabac nous livre quelques uns des secrets de ce marché, à tous les niveaux, séduisant. "Les emballages du tabac à chiquer sont puisés, généralement, en Tunisie et le remplissage, par contre, se fait en majeure partie dans les sous-sols des villas, souvent dans les grandes villes", dira ce commerçant qui avoue se faire de "l'argent fou" dans cette pratique, car lui-même "sert de distributeur à quelques détaillants d'Alger". Ces sachets de 30 grammes vendus juste à 40 DA, soit juste un peu plus de 60% des prix offerts par la Société nationale des tabacs et allumettes (SNTA), connaissent beaucoup d'engouement des consommateurs qui se soucient rarement de la qualité. Ce qui, de l'avis de beaucoup de médecins, constitue un réel danger pour la santé publique, mais aussi un réel manque à gagner pour la fiscalité ainsi qu'une menace pour les opérateurs qui travaillent dans la légalité. Un tour à la Société nationale des tabacs et allumettes (SNTA) nous révélera que celle-ci a été sollicitée par les services de sécurité, durant les seuls deux mois de décembre et janvier, pour 5 affaires. "4 de ces affaires se rattachent à la contrebandes et 1 à la contrefaçon", nous dira le directeur commercial de cette entreprise. Entre autres ateliers démantelés dans le cadre de la lutte contre la contrefaçon et l'informel, nous dira le même responsable, "2 l'ont été à Oran, 1 à Ain Taya, et d'autres ateliers ont été aussi signalés à Sétif, Guelma et Constantine". Affirmant que la SNTA parvient à écouler toute sa production, il assurera que celle-ci ne peut que se constituer comme partie civile dans les affaires de contrefaçon menaçant ses produits. Selon les chiffres, "vieux comme le monde" de cette société communiqués sur le site officiel et qui remontent à l'année 2006, cette entreprises compte : 5 usines de production de cigarettes, 3 usines et 2 centres de conditionnement de tabac à priser et à mâcher, 3 unités de production d'allumettes (une seule en activité), 1 usine de fabrication de filtres pour cigarettes et 1 unité d'impression (emballage, étiquetage). Elle a réalisé, avec un effectif global de 4 912 agents, un chiffre d'affaires en TTC de 65,100 milliards DA, soit 931,33 millions USD durant la même année, ce qui est de l'avis de beaucoup de spécialistes, en déca de ses moyens. Le marché du tabac à chiquer, sur lequel l'on se pose beaucoup de questions, à titre d'exemple, enregistre 400 millions de sachets (unités de 20 grammes), annuellement, produits par la SNTA. Un tour dans les bureaux tabac nous révèle que même ceux-ci sont en proie à la contrefaçon, et de petites fabriques parallèles opèrent dans ce créneau. En outre, différentes marques qui ne sont pas forcément protégées et enregistrées et dont la vérification reste un "tabou" du fait de l'emprise de l'informel, inondent le marché.