L'Inspection générale des finances marque son retour. Créée en 1981, celle-ci a connu une longue et sombre période d'hibernation pour être enfin remise en service, il y a quelques années à peine. Depuis, l'IGF a, timidement, effectué bon nombre de missions dans un climat " législatif " incertain. Les deux dernières années, confortée par quelques textes de loi, elle a effectué 36 missions de contrôle au niveau du secteur économique. Bien que les résultats de ces " descentes " n'aient pas été divulgués par le ministre des Finances, le recours par l'Etat à cette institution devient de plus en plus fréquent. M. Karim Djoudi a, d'ailleurs, confirmé la "sollicitation plus accrue" de cette dernière, hier, lors de l'ouverture des travaux des 5 ème assises des cadres et inspecteurs de l'IGF. Lesquels travaux se sont déroulés à huis clos et sont consacrées à l'examen du bilan de la feuille de route 2009-2010, au programme d'actions pour 2011 et 2012, ainsi qu'à la présentation d'un " manuel de procédures ". Un " manuel " qui constituera " un instrument privilégié pour une meilleure conduite des missions " de l'Inspection, une fois formalisé et validé. Une sorte de nouveau code des procédures internes. Cette " réactivation " de l'IGF vient aussi en conformité des orientations présidentielles et inscrites dans la politique générale du gouvernement qui est déterminé "aller davantage de l'avant dans la lutte contre le crime économique (…) ". Auparavant, une ordonnance promulguée en février 2008 a renforcé les structures de l'IGF et élargi ses missions aux EPE. Mais les conditions et les modalités de contrôle et d'audit de gestion de ces entreprises par l'IGF n'ont été fixées qu'en mars 2009, année durant laquelle les services de l'IGF avaient procédé à 128 opérations de contrôle qui ont permis d'élaborer 154 rapports. En 2010, l'IGF a enregistré la notification de 177 rapports de contrôle "de qualité nettement supérieure par rapport à la période antérieure" touchant différents types d'établissement. L'élément nouveau chez cette institution qui traditionnellement travaillait sur les sanctions semble être le conseil, "L'IGF devra être de plus en plus une force de proposition et ériger en principe de base le devoir d'alerte et renforcer son rôle de conseil". A-t-elle, cependant, la latitude et la compétence pour assumer un tel rôle " préventif " et préserver gestionnaires, accusés souvent du controversé motif de " mauvaise gestion " et deniers publics estimés à plus de 21.000 milliards de dinars et représentant le programme d'investissements publics 2010-2014 ? L'IGF est donc appelée à jouer "un rôle prépondérant dans la rationalisation budgétaire, la sécurisation des fonds publics et la lutte contre la corruption", comme le recommande l'esprit de la politique gouvernementale. Cependant, le fait nouveau et saillant semble provenir de cette "bénédiction" dont jouissent désormais les inspecteurs de l'IGF qui ont "carte blanche" et ne doivent considérer aucun secteur, dossier ou responsable d' "intouchables" et relevant du sacrilège. Cela signifierait-il donc la fin d'une ère où l'impunité handicapait, voire même paralysait la mission de l'IGF et la rendait caduque. M. Djoudi s'est montré affirmatif à ce propos en déclarant sans ambages que " les saisines en nombre sans cesse croissant parvenant des autorités habilitées portant sur des dossiers parfois très sensibles sont une marque indéniable de la confiance placée par les pouvoirs publics en cette institution". L'IGF est habilité à contrôler "de manière beaucoup mieux marquée, les structures relevant du ministère des Finances " selon M. Djahdou Mohamed, chef de l'IGF. La présentation devant les députés de l'Assemblée populaire nationale de la loi de règlement budgétaire et ses fameux comptes spéciaux, relevant, jusque-là de l'impensable, augure aussi du changement opéré dans les pratiques des pouvoirs publics qui se soumettent à la loi et à son jeu de transparence. Le ministre des Finances invite même les contrôleurs à "anticiper sur la mise en application des nouvelles normes et procédures des systèmes budgétaires et du nouveau système comptable financier". Pour rappel, les saisines sont du ressort du président de la république, des présidents des deux chambres du Parlement et des membres du gouvernement.