La détermination des opposants libyens à chasser le colonel Kadhafi du pouvoir ne faiblit pas. Les Nations unies haussent le ton. "Il n'y a plus que Tripoli et quelques villes" qui restent sur le contrôle du régime de Kadhafi, estime l'ancien ministre de l'Intérieur sur Al Jazeera. Le régime de Moammar Kadhafi arme ses partisans civils pour établir des points de contrôle et réprimer toute contestation, selon les témoignages d'habitants de Tripoli. Le soulèvement populaire qui touche la Libye constitue le plus grand défi auquel est confronté Kadhafi, au pouvoir depuis 42 ans. Le dirigeant libyen a maintenu son contrôle dans la capitale en ayant recours à la violence contre les protestataires, mais les insurgés se sont emparés d'environ la moitié du littoral libyen. Les forces pro-Kadhafi ont ouvert le feu sur des manifestants après la prière du vendredi. Le numéro un libyen a déclaré à ses partisans qu'il "ouvrirait les dépôts d'armes pour que tous les Libyens (...) soient armés". Des habitants de Tripoli, joints samedi par téléphone depuis Le Caire, ont fait état sous couvert d'anonymat de camions patrouillant les rues avec à leur bord des civils soutenant le régime. Mouammar Kadhafi ne contrôle visiblement plus la situation en Libye, a déclaré samedi le dirigeant italien Silvio Berlusconi, son plus fidèle soutien en Europe. "J'ai eu des nouvelles fraîches il y a quelques minutes et il apparaît effectivement que Kadhafi ne contrôle plus la situation en Libye", a dit le président du conseil italien lors d'un meeting politique à Rome. La Libye est une ancienne colonie italienne et le colonel libyen qualifie d'"ami" le chef du gouvernement italien. Berlusconi a été discret dans ses condamnations de la violence en Libye, où Kadhafi ne contrôle plus, selon les derniers témoignages sur place, que les villes de Tripoli et Syrte. Les révoltes populaires en Afrique du Nord peuvent amener la démocratie et la liberté mais également provoquer un exode massif de réfugiés et la création de "dangereux pôles de l'islamisme radical à quelques kilomètres de nos côtes", a dit Berlusconi. "Pour cette raison, l'Europe et l'Occident ne peuvent pas rester spectateurs de ce processus, et nous, en premier lieu, ne le pouvons pas", a dit le chef de l'Etat italien. "Les événements des dernières semaines affectent nos relations commerciales, notre approvisionnement énergétique et notre sécurité", a-t-il ajouté. Notons que l'ambassadeur de Libye aux Nations Unies a fait défection au moment où s'engageait le débat sur la situation dans son pays au Conseil de sécurité, et a lancé un appel à l'aide pour faire cesser le " bain de sang " en Libye. Une situation sans précédent dans laquelle le représentant d'un pays se retourne contre son gouvernement devant l'instance suprême de l'ONU. Mohammed Shalgham, l'ambassadeur de Libye, a suivi l'exemple de son bras droit, Ibrahim Dabbashi, qui avait déà fait défection, et de dizaines d'autres diplomates libyens à l'étranger. Le Conseil de sécurité a décidé d'engager le processus de sanctions contre le régime de Kadhafi, mais a écarté la possibilité d'une intervention militaire. Les membres du Conseil doivent se retrouver samedi pour étudier des mesures concrètes, à commencer par une lliste des personnalités du régime libyen interdites de quitter le pays et soumises à des sanctions. Sur cette liste de près d'une trentaine de noms, qui circule dans les couloirs de lONU, on retrouve Mouammar Kadhafi et ses enfants, Khamis, Hannibal, Aisha, Saef el-Islam, le chef des Comités révolutionnaires Omar Ashkal, ou le chef de la garde personnelle de Kadhafi, Youssef Dibri. Par ailleurs, dans le monde arabe, les sociétés civiles se mobilisent en faveur de la population libyenne dont le soulèvement se heurte à la répression du régime de Kadhafi. Dans le cadre de deux initiatives coordonnées, une coalition de plus de 200 organisations arabes et un groupe de trente intellectuels du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord appellent samedi le Conseil de Sécurité de l'ONU, l'Union européenne, l'Union africaine et la Ligue arabe à mettre en place des plans de contingence afin de protéger la population civile de nouvelles atrocités en Libye. C'est bien de poursuites pour crimes contre l'humanité que le leader libyen Mouammar Kadhafi devrait avoir à répondre devant la communauté internationale, alors que de Tunis à Bagdad, la population continue à manifester dans le monde arabe. Le Conseil de sécurité de l'ONU s'est réuni vendredi 25 février et est tombé d'accord pour s'efforcer d'adopter une résolution imposant des sanctions contre le régime de Kadhafi tandis que les Etats-Unis ont gelé ses avoirs et ceux de ses quatre fils. Ce projet l'avertit que "les attaques étendues et systématiques qui ont lieu actuellement en Libye contre la population civile peuvent être assimilées à des crimes contre l'humanité". Les violences dans ce pays ont fait de 300 à plus de 1 000 morts, selon les sources. Pris entre l'opposition armée qui affirme avoir libéré la région pétrolifère de l'Est, autour de Benghazi, et des combats violents à l'Ouest, le colonel Kadhafi a demandé vendredi à ses partisans de se préparer à "défendre la Libye", selon des images diffusées par la télévision d'Etat. "Nous allons nous battre et nous les vaincrons" et "s'il le faut, nous ouvrirons tous les dépôts d'armes pour armer tout le peuple", a-t-il lancé à la foule sur la place Verte à Tripoli. Jeudi, Kadhafi avait accusé ses opposants d'être téléguidés par la nébuleuse Al-Qaida et d'être "drogués". Les partisans du "Guide", au pouvoir depuis plus de 40 ans, sont concentrés à Tripoli, où la milice Khamis disposerait de 9 000 combattants, de chars et d'avions, selon des informations non confirmées. Des mutineries ont cependant affecté l'armée. A l'étranger, l'indignation et l'inquiétude s'amplifient. Le régime libyen semble être lâché par ses pairs arabes et les démissions de ses ambassadeurs se multiplient. Le président américain Barack Obama a signé un décret présidentiel gelant les avoirs et bloquant les propriétés aux Etats-Unis du colonel Kadhafi et de ses quatre fils. "Le régime de Mouammar Kadhafi a baffoué les normes internationales et la morale élémentaire. Il doit être tenu responsable", a affirmé Obama dans un communiqué. Washington a par ailleurs annoncé la fermeture provisoire de son ambassade à Tripoli, faute de pouvoir assurer la sécurité de ses diplomates. L'OTAN et l'Union européenne se sont concertées vendredi en Hongrie. L'UE est tombée d'accord pour décréter un embargo sur les ventes d'armes et de matériel de répression ainsi que pour geler les avoirs et interdire de visa Kadhafi et ses proches, selon des sources diplomatiques. Les Européens préparent des "plans d'urgence" pour contrôler l'espace aérien libyen mais ils ont "d'abord besoin d'une résolution du Conseil de sécurité" l'y autorisant, selon un diplomate présent à la réunion.