Sonatrach risque-t-elle de faire l'objet d'une attaque à l'image orchestrée par Exxon Mobil contre la compagnie pétrolière vénézuélienne, PDVSA, il y a de cela 3 années ? Ce scénario doit en tout état de cause être pris au sérieux, particulièrement lorsque l'on se penche sur les dernières révélations du Financial Times qui indiquent qu'Anadarko menace de faire saisir les actifs de Sonatrach à l'étranger pour protester contre l'application de la taxe sur les super-profits. Variant de 5 à 50% des bénéfices, la taxe introduite en 2006 s'applique quand les prix franchissent la barre des 30 dollars. Cette taxe avait fait jaser, à l'époque, de nombreuses compagnies pétrolières opérant en Algérie, mais la majorité s'était soumise à l'application de cette taxe mis à part deux compagnies : l'américain Anadarko et le danois Maersk Oil. Ce dernier qui à l'effet rétroactif de cette loi a décidé, au mois d'avril dernier, de saisir le Centre international de règlement des différends liés à l'investissement (Cirdi) dépendant de la Banque mondiale et basé à Washington. Mais c'est Anadarko qui semble être le plus virulent et qui veut rééditer le scénario fomenté par son compatriote Exxon Mobil à l'encontre du Venezuela. Anadarko, qui produit actuellement du brut à partir des installations centrales de traitement de Hassi Berkine Sud et d'Ourhoud et qui développe le projet d'El Merk, met en avant que le contrat de partenariat scellé avec Sonatrach lui procurait une certaine stabilité fiscale. Selon le groupe américain, c'est à Sonatrach de payer cette nouvelle taxe. Ce que le groupe algérien a refusé de faire. Dans ce sens, une procédure de conciliation a été mise en place en octobre 2007 mais elle n'a pas abouti. En février 2009, Anadarko avait alors amorcé une procédure d'arbitrage contre Sonatrach. Un nouvel arbitrage devrait survenir au mois de juin prochain. La compagnie américaine, qui menace depuis 2006 de se retirer du marché algérien, réclame 3 milliards de dollars à Sonatrach. Mais le plus grave est que le major pétrolier menace de recourir au gel des actifs étrangers de Sonatrach si elle n'obtient pas gain de cause, rééditant ainsi le cas PDVSA-Exxon Mobil. Au-delà de l'enjeu de l'impact financier que pourrait avoir une telle affaire sur Sonatrach, c'est toute la nouvelle conception de la suprématie des compagnies pétrolières nationales sur les gisements pétrolifères des pays du Sud qui est en cause. Il est vrai que depuis quelques années, les pays producteurs de pétrole entendent faire jouer aux compagnies nationales un rôle proéminent dans la gestion de leurs richesses pétrolières et gazières , le tout dans le but d'orienter les rentes dégagées vers des projets de développement économique et social. C'est dans ce sens que des contrats type de partenariat garantissant la majorité des parts dans les sociétés d'exploitations pétrolifères aux compagnies nationales ont été mis sur pied ainsi que l'imposition d'une taxe sur les profits exceptionnels sur le pétrole. Ce qui a fortement déplut aux majors pétroliers qui se sont vu reléguer au second plan et leurs bénéfices greffer. Ce qui s'est passé au Venezuela en 2008 est édifiant et renseigne sur la virulence avec laquelle ces compagnies, notamment américaines, traitent ce genre de cas. Il est indéniable que le nationalisme des Etats producteurs de pétrole a de tout temps irrité l'Occident. Cependant, l'instrumentalisation de la justice internationale pour espérer trouver une parade, constitue un grave précédent. En juin 2007, le président vénézuélien, Hugo Chavez, avait parachevé la reprise en main de la riche région pétrolière de l'Orénoque produisant 500 000 barils extraits par jour et s'était engagé à indemniser les multinationales pétrolières. Si les autres compagnies internationales, à l'instar de Total (France), Statoil (Norvège), Chevron (Etats-Unis) et BP (Grande-Bretagne), ont accepté que la part de la compagnie nationale PDVSA devienne nettement majoritaire dans les coentreprises pétrolières de l'Orénoque, Exxon Mobil a préféré agir autrement et a fait geler les avoirs de la compagnie vénézuélienne à l'étranger. Néanmoins, Exxon Mobil a reçu une gifle au mois de mars 2008, lorsque le juge de la Haute cour de Londres a ordonné l'annulation du gel de douze milliards de dollars d'actifs de PDVSA. L'on s'interroge, néanmoins, sur les capacités de Sonatrach à rééditer ce genre de succès. Les Américains ont certainement assimilé la leçon vénézuelienne. Aussi, l'opacité qui entoure les contrats de partenariat noué dans le secteur des hydrocarbures jette un doute sur l'aboutissement de ce genre de procédures.