Héctor Michel Mujica Ricardo* Je crois que l'expérience chaviste va être importante au Venezuela, qu'elle soit surpassée ou qu'elle perdure, car c'est une expérience qui émerge de la nation même. L'après Chavez permettra une adéquation beaucoup plus réaliste de ce que représente le Venezuela dans sa complexité, probablement pas comme ce qui est arrivé il y a 15 ou 20 ans, où il y avait un Venezuela d'élite puis un énorme Venezuela inconnu, une espèce d'ombre. Après Chavez, le Venezuela pourra mieux comprendre sa propre complexité. Dans ce travail, je ne mentionne ni la situation internationale, ni l'insertion du Venezuela dans l'économie globale, ni les exigences nationales et étatiques face aux transformations du capitalisme sur l'échelle planétaire, ni les relations du gouvernement vénézuélien avec l'empire américain, possesseur de l'économie la plus puissante du monde avec 37% du PIB mondial qui aura gaspillé en dépenses militaires environ 379.000 milliards de dollars pour l'année 2003. Mais en 2011, le Congrès américain vient d'approuver le budget de guerre qui s'élève à 725 milliards de dollars pour l'année fiscale 2011, soit presque 100% de plus que l'année 2003 … environ un quart du budget fédéral et les dépenses militaires des Etats Unis représentaient 41,5 % des dépenses militaires mondiales en 2008. Presque la moitié de ce qui a été dépensé pour les mêmes effets par le reste des nations du monde. Si on utilise le critère de la dépense militaire par habitant, on obtient 514 euros en France et 1.862 euros aux Etats-Unis (www.lematin.ma,26.01.2011;www.lepoint.fr, 01.02.2011). En réalité, ce sont des facteurs significatifs et très importants, mais le but de notre travail est autre: dans une occasion où une société comme la vénézuélienne transforme ses institutions politiques suite aux élections de décembre 1998 désignant Hugo Rafael Chávez Frías président de la République, et au processus constituant donnant lieu à la Constitution de 1999, qui avance un peu dans l'ignorance de certaines réactions prévisibles et beaucoup d'autres imprévisibles face aux processus de changement fondés sur le projet bolivarien, nous sommes impressionnés de voir qu'au sein de la même urbanisation dans laquelle nous vivons, nos voisins ont des avis différents et nous voyons avec stupéfaction que ce qui était hier une simple différence est devenu un antagonisme irrémédiable. Dans un premier temps, les conséquences des nouveaux événements et principes posés sont ignorées. On observe des forces sociales transformées en mouvements et organisations politiques qui orientent et déplacent, parmi tant d'autres, le centre de gravité à partir de partis et classes sociales anciennement hégémoniques et qui ont perdu leur capacité de direction. De même, le peuple intervient organiquement par l'intermédiaire de structures d'organisation inédites. Cependant, si la société désire conserver ou rétablir un nouvel équilibre, elle doit procéder à un travail de réadaptation de toutes les tendances et institutions qui rendent la vie commune. La société, ses acteurs et ses dirigeants se rendent compte que ces nouvelles circonstances ne signifient pas un commencement indépendant, sans aucune restriction. Chávez était pleinement conscient des limitations et restrictions qui lui exigeaient son accès au gouvernement. Dans un tel sens, lors d'une interview avec Marta Harnecker, il a signalé que : "Les premiers jours de gouvernement… il a rencontré des situations inimaginables. Le premier problème affronté était qu'il n'y avait pas d'argent pour payer les salaires. Le pétrole était à 7 dollars et le budget qu'ils nous ont, en outre, laissé reconduit - c'est-à-dire, le même budget de l'année antérieure qu'il fallait réduire à vingt pour cent (20%) en raison de l'inflation- a été fait sur la base de 14. Le risque du pays par la menace de Chávez a atteint le ciel. Personne n'a voulu nous prêter un centime. En pleine Constituante, j'ai dû parcourir le monde pour chercher un appui international. Je me suis rendu en Chine, en Arabie Saoudite, à plusieurs pays d'Amérique Latine. Je me suis beaucoup rapproché de Fernando Henrique Cardoso et du Brésil en tant que nation. Les complications bureaucratiques pour établir de petits changements étaient nombreuses. Pourquoi? Parce que nous nous sommes retrouvés avec une série de lois, de codes et de règlements qui compliquaient l'adoption de mesures nécessaires. Pour faire un transfert de ressources dans un ministère, par exemple, le ministre devait venir avec je ne sais combien de dossiers que je signais. Pour accorder les retraites aux fonctionnaires, il fallait réaliser une série de procédures bureaucratiques. Nous avons dû également affronter la culture traditionnelle, la résistance au changement." (" Hugo Chávez Frías, un homme, un peuple. " Interview de Marta Harnecker. D'autre part, il y eut la faible préparation administrative des cadres politiques du mouvement bolivarien vu qu'ils avaient une faible voire une nulle expérience de travail dans la structure de l'Etat central et décentralisé, sans oublier qu'une bonne partie des nouveaux fonctionnaires qui devaient occuper des postes d'importance n'avait pas été sélectionnée par sa direction politique avant la victoire aux élections présidentiables de décembre 1998. Dans les premiers moments, ceci a conduit à l'improvisation et beaucoup d'erreurs ont été commises en résultat comme, par exemple, la désignation de personnes pas toujours les plus adéquates pour l'accomplissement de tâches déterminées. Dans ce sens, Hugo Chávez Frías pense que dans un projet qui joue un rôle décisif avec de réelles expectatives pour accéder au gouvernement, il fallait, dès le début, agir d'une autre manière dans la formation des cadres politiques et administratifs : "…en même moment où il réalise la campagne électorale, la recherche de ressources pour le futur gouvernement et d'autres tâches, il devrait mettre en avant un processus de préparation des cadres qui devraient assumer des tâches du gouvernement pour qu'ils puissent occuper efficacement ces espaces. Ça doit être un processus méticuleux, réalisé en prenant du temps, qui inclue la formation, les cours, etcétéra. Il faudrait parvenir à faire ce que fait une armée qui forme et habilite ses cadres en leur donnant une orientation stratégique et spécifique pour affronter le combat. Nous n'avons pas fait ceci et ce fut une grave erreur, et encore plus lorsque celui qui te passe le pouvoir n'est pas quelqu'un de ton parti." ("Hugo Chávez Frías, un homme, un peuple." Interview de Marta Harnecker. Outre le fait que le mécontentement social et populaire exprimé en croyances profondes représentées et assumées par le peuple et ses institutions, soit un ensemble significatif dû aux décennies de mauvais gouvernement et de corruption des partis traditionnels, ce peuple a parié pour Chávez et est convaincu que ses conditions de vie et sa participation citoyenne s'amélioreront uniquement avec la présence de Chávez à la tête de ce gouvernement. Les indices économiques, le chômage et la détérioration du revenu réel, devrait conduire à voir des gens mourir de faim dans les quartiers populaires de Caracas en affaiblissant leur appui politique au processus . Mais il arrive plutôt le contraire, un exemple est celui de la grève civique entamée le 2 décembre 2002 par les forces d'opposition au processus bolivarien, avec de clairs objectifs anticonstitutionnels. Ladite grève a connu un succès partiel et a clairement montré le sens profond et social de l'affrontement politique qui se vit au pays : Au cours des premiers jours, les commerces ont ouvert à l'ouest -.quartiers populaires- de la capitale presque au complet, tandis qu'à l'est de la ville -zones nanties et résidentielles- presque tout était fermé. Le transport pour sa part fonctionnait normalement, les banques aussi, les marchés d'aliments en gros, les pharmacies et bien sûr, l'économie informelle, qui emploie plus de la moitié de la population économiquement active. Il y a lieu de souligner que les syndicats des industries basiques non pétrolières, celles qui possèdent le plus grand volume d'ouvriers et travailleurs, sont venus se prononcer à plusieurs reprises contre la grève convoquée par le président de la CTV. Tel est le cas des syndicats de la sidérurgie, de l'entreprise d'aluminium, d'acier et d'hydroélectrique. Idem pour le syndicat des travailleurs du Métro de Caracas. D'autre part, 52% de la population économiquement active se trouve dans le secteur informel, et ce sont eux qui approvisionnent considérablement la capitale face à la fermeture partielle de l'association des supermarchés, des approvisionnements et des centres commerciaux. Par ailleurs, Chávez s'est présenté aux élections de 1998 sans compter sur de nombreuses ressources économiques, ni sur des espaces significatifs au niveau des médias, ni sur des organisations politiques majoritaires et consolidées. Dès lors, il s'est soumis à cinq processus consultatifs dans lesquels il a battu l'opposition, sans rompre totalement avec le cadre des relations politiques, économiques et sociales qui s'est formé jusqu'alors. Cependant, le gouvernement vénézuélien avec à sa tête le président Hugo Chávez a soutenu dans son programme de changement politique et social la nécessité de convoquer un processus constituant, la voie la plus démocratique pour mener à bien toute réforme profonde dans le système sociopolitique de toute nation. Dans ce sens, une Assemblée Nationale Constituante a été élue démocratiquement, organisant des sessions en 1999, et le peuple vénézuélien a voté majoritairement en faveur de la Constitution en décembre de cette année. Une constitution qui préserve non seulement l'état de droit et garantit la souveraineté nationale mais incorpore aussi des nouveautés remarquables en faveur de l'établissement d'une société plus digne, défenseuse des minorités indigènes, de l'élargissement des droits citoyens pour les étrangers résidant au pays, de la reconnaissance de la double nationalité et du rôle protagoniste des secteurs populaires, justement dans un pays dévasté par les inégalités économiques et sociales, en dépit de sa formidable richesse. En conséquence de la Constitution de 1999, en l'an 2000 tous les pouvoirs publics ont été à nouveau légitimés. De la même forme, le président Chávez s'est encore présenté aux élections et les a encore remportées, avec un pourcentage de votes plus grand que celui de 1999 ; ses forces politiques ont aussi triomphé à l'Assemblée nationale et dans la majorité des gouvernements de province et mairies du pays. Des observateurs internationaux comme le Centre Carter ou l'Organisation des Etats Américains (OEA) ont donné leur aval à la transparence des élections. a suivre... * Ambassadeur de la République bolivarienne du Venezuela auprès de la République Algérienne Démocratique et Populaire et de la République Arabe Sahraouie Démocratique Sociologue et professeur universitaire notes (1) (interview a santiago gamboa, ecrivain colombien) (2)Circulo bolivariano 17 de mayo, 52). (3) circulo bolivariano 17 de mayo, 53).