Le cours de l'or a enregistré cette semaine un nouveau record historique, tandis que l'argent a atteint son plus haut niveau depuis plus de 30 ans, dans un marché soutenu par les tensions dans le monde arabe et un regain d'inquiétudes sur les dettes souveraines en zone euro. Le prix de l'once d'or est monté jeudi jusqu'à 1447,82 dollars sur le marché au comptant, un niveau sans précédent surpassant son précédent sommet enregistré début mars. "Entre le chaos au Moyen-Orient, le séisme puis le désastre nucléaire au Japon et les craintes sur les économies européennes, nous avons le cocktail presque parfait d'une tempête propre à favoriser les métaux précieux", a résumé Ian O'Sullivan, analyste de la compagnie financière Spread Co. L'affaiblissement de la monnaie américaine a contribué par ailleurs à rendre plus attractifs les achats d'or libellés en dollars. Considéré comme la valeur refuge par excellence, le métal jaune a vu son prix "s'envoler grâce aux violences persistantes en Afrique du Nord et dans le monde arabe, alors que les frappes de la coalition internationale se poursuivent en Libye et que la contestation s'exacerbe au Yémen", a confirmé Andrey Kryuchenkov, du courtier VTB Capital. Les crises au Moyen-Orient "font monter les cours du pétrole, ce qui menace la fragile reprise économique des pays occidentaux tout en aggravant les perspectives d'inflation", contre laquelle l'or offre une bonne protection, a renchéri Marcus Grubb, directeur de gestion du Conseil mondial de l'or (CMO), une fédération professionnelle. Par ailleurs, la crise politique au Portugal ravivait les inquiétudes des investisseurs sur la solidité financière des pays les plus endettés de la zone euro, les incitant à se reporter vers les actifs jugés les plus sûrs. Le Premier ministre portugais José Socrates a démissionné mercredi, suite au rejet par le Parlement d'un énième plan d'austérité, au risque de précipiter le recours du pays à une aide financière extérieure. "Les préoccupations sur le Portugal hantent les marchés. La zone euro a probablement assez de moyens pour répondre aux requêtes de Lisbonne, mais c'est exactement le même type de craintes après les crises en Grèce et en Irlande qui avaient déjà fait bondir l'or à des records" l'automne dernier, a observé M. Kryuchenkov. L'envolée du métal jaune doit cependant être accueillie avec prudence, car elle ouvre la voie à des prises des bénéfices, a tempéré M. Kryuchenkov, mettant en garde contre les montagnes russes du marché. Dans le même temps, l'argent a vu son cours bondir jeudi jusqu'à 38,16 dollars l'once, son niveau le plus élevé depuis février 1980. Les métaux platinoïdes ont nettement rebondi cette semaine, effaçant leurs lourdes pertes de la semaine précédente, sur laquelle le cours du palladium avait plongé de 10% sur des inquiétudes quant aux conséquences industrielles du séisme au Japon. "Nous avons retrouvé une stabilité relative sur le marché, les platinoïdes ayant largement suivi le sillage de l'or et de l'argent", commentaient les analystes du cabinet spécialisé Johnson Matthey. Les cours des métaux industriels échangés au London Metal Exchange ont nettement grimpé cette semaine, portés par un retour de l'appétit des investisseurs et par un accès de faiblesse du billet vert, l'aluminium et le plomb grimpant même à des sommets en plus de deux ans. Les marchés des métaux de base ont accentué leur rebond cette semaine, après avoir brièvement plié en début de semaine dernière sous le poids des inquiétudes des investisseurs après le séisme et le tsunami dévastateurs qui ont frappé le 11 mars le Japon, suivis d'un accident nucléaire majeur. "Avec un rebond des marchés d'actions et un accès de faiblesse du dollar, certains investisseurs ont pu profiter de la baisse des cours qui a suivi la catastrophe pour effectuer des achats à bon compte", a observé William Adams, analyste chez FastMarkets. Au Japon, si la demande en métaux de base doit baisser à court terme, elle devrait par la suite rebondir quand seront mis en route les chantiers de reconstruction des zones dévastées par le tremblement de terre et le tsunami, une perspective de nature à soutenir les cours, ont souligné des analystes. Le Japon est le deuxième consommateur mondial de nickel et de minerai de fer, le troisième consommateur d'aluminium et d'étain, et le cinquième de cuivre raffiné (9% de la demande mondiale). En outre, le billet vert est tombé mercredi à son niveau le plus faible depuis début novembre face à l'euro, un accès de faiblesse stimulant les achats de matières premières libellées en dollar, comme les métaux industriels, effectués par les investisseurs munis d'autres devises. Le cuivre baromètre du marché, est monté jeudi à 9784 dollars la tonne, son niveau le plus élevé depuis deux semaines et demi, son rebond étant accentué par des inquiétudes sur les niveaux de production dans le monde. "L'offre devrait rester tendue et soutenir les cours du cuivre cette année", ont estimé les analystes de Commerzbank. Le métal rouge avait atteint 10'190 dollars la tonne le 15 février, porté par un regain d'intérêt des investisseurs spéculatifs et par une demande chinoise robuste. Les tensions sur l'équilibre des fondamentaux du marché ont marqué l'année 2010, a observé cette semaine le Groupe international d'étude du cuivre (ICSG), qui a fait état d'un déficit de 300'000 tonnes entre l'offre et la demande de métal rouge, le marché devenant ainsi déficitaire après un excédent de production de 175'000 tonnes observé en 2009.