A l'occasion de la diffusion du documentaire "Zambie, à qui profite le cuivre "?, sur l'évasion fiscale de la multinationale Glencore, Télérama vient de publier une interview de Daniel Lebégue, dirigeant de la section française de l'ONG Transparency international qui lutte contre la corruption. D'après lui, les pratiques frauduleuses de la puissante société de négoce de matières premières sont " largement répandues parmi les multinationales du secteur de l'énergie ''pétrole et gaz'' et de l'extraction minière ". Daniel Lebégue rappelle qu'en France, l'évasion fiscale a coûté près de 20 milliards d'euros en 2010. Pour les pays en développement, le préjudice est évalué entre 250 et 350 milliards d'euros, soit plus de deux fois le montant de l'aide publique au développement accordée par les pays riches. Glencore ne défraye pas la chronique pour la première fois de son histoire. Cette entreprise a été fondée par Marx Rich, sulfureux homme d'affaires américains condamné par contumace aux Etats-Unis à 325 années de prison pour évasion fiscale ; commerce avec l'ennemi (à l'époque Iran), violation d'embargo… Cette condamnation lui vaudra un temps de figurer sur la liste des dix fugitifs les plus recherchés par le FBI. Le 20 janvier 2001, quelques heures avant de quitter la présidence, Bill Clinton le graciera, ce qui déclenchera un énorme scandale outre-atlantique. En France, Glencore n'est pas non plus une inconnue. En 2003, elle avait ferme, sans préavis ni plan social, l'usine Metaleurop de Noyelles-Godault, laissant sur le carreau 830 salariés et un site industriel considéré comme étant le plus pollué de l'Hexagone. Aujourd'hui, cette même société est introduite à la Bourse de Londres, avec le soutien de plusieurs banques dont, en France BNP-Paribas. Le comportement de cette multinationale est-il atypique, ou révélateur d'un phénomène plus général ? Selon Daniel Lebégue, le phénomène est largement répandu parmi les multinationales du secteur de l'énergie (pétrole-gaz) et de l'extraction minière. Toutes ne pratiquent pas, comme Glencore, l'évasion fiscale à grande échelle, mais nombre d'entre elles y ont recours plus ou moins légalement. Il suffit de regarder la fiscalité effective supportée par ces entreprises : elles est nulle ou très faible dans les pays du Sud et guère plus élevée dans leur pays d'origine. EQN 2007 ? AUX Etats6Unis, un rapport du Congrès avait chiffré à 100 milliards de dollars la perte annuelle pour le Trésor américain résultant des pratiques fiscales des multinationales. En 2008, une proposition de la loi (Stop tax heavens abusives-Arrêtez les abus des paradis fiscaux) co-signée par Barack Obama avait même été déposée au Sénat pour tenter de mettre fin à cette hégémonie financière. En vain. Evoquant les multinationales américaines qui paient si peu d'imports, il indique qu'il y a deux raisons à cela. " Les administrations républicaines Bush I et II, étaient pieds et poings liés avec les milieux de l'énergie et leur ont accordé des exonérations et des allégements d'impôts fiscaux. Il n'est pas rare que les multinationales du secteur ne paient aucun impôt ou à des taux très faibles de 5 à 8 % alors qu'elles dégagent des profits annuels de plusieurs milliards de dollars. Par ailleurs, les Etats-Unis tolèrent depuis longtemps que leurs multinationales utilisent des paradis fiscaux pour loger de manière totalement fictive une partie importante de leurs profits, qui échappent ainsi à l'impôt. La crise de 2008 et les promesses de Barack Obama en la matière n'ont pour l'instant rien changé à la situation ". En ce qui concerne le montant que représente cette évasion fiscale pour les pays en voie de développement, il indique que la Banque mondiale avait donné le chiffre de 35 milliards de dollars, l'ONG Global Financial Integrity parle, quant à elle, de 400 à 440 milliards de dollars. " Cette évasion fiscale à un impact terrible pour ces Etats, elle représente plus deux fois le montant de l'aide publique au développement (15 milliards de dollars) qui leur est accordée chaque année par les pays riches. De ce point de vue, l'exemple de Glencore en Zambie est emblématique des pratiques déployées par les multinationales pour échapper à l'impôt dans les pays du Sud . Selon les cinq ONG qui ont engagé une plainte contre elle auprès de l'OCDE, sa filiale, la Mopani Copper Mine, aurait privé l'Etat Zambien d'environ 500 millions de dollars de recettes entre 2005 et 2008, en utilisant notamment la technique de la manipulation des prix de transfert. Le principe en est simple. La Mopani Copper Mine vend une importante partie de sa production de cuivre à un prix très inférieur à celui du marché à sa maison mère, basée en Suisse, qui la revend, elle, au prix du marché. Résultat, Glencore ne réalise aucun profit imposable en Zambie, mais en fait là où est situé son siége social la canton de Zoug, un paradis fisccal réputé pour accueillir Johnny Hallyday, où l'on ne paie presque aucun impôt ", explique-t-il…