Des centaines de manifestants chiites ont bloqué jeudi soir la route menant à l'aéroport international de Beyrouth, dans le sud de la capitale libanaise, rapportent des témoins. Ils entendaient ainsi dénoncer les insultes lancées, selon eux, contre leur leader Sayyed Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, lors des funérailles dans la journée du député chrétien anti-syrien Pierre Gemayel, assassiné mardi dernier. "Nasrallah, ne t'inquiète pas, tes chiites peuvent boire le sang!", scandaient les manifestants en défilant sur la chaussée. Le dirigeant chiite, dans un appel téléphonique à la télévision du Hezbollah, a appelé ses partisans à mettre fin à cette manifestation. "Je leur demande, mieux, je les supplie, de ne pas rester dans la rue. Nous ne voulons personne dans la rue", a dit Nasrallah. Des militants du Hezbollah sont arrivés sur place en voiture pour demander par haut-parleurs aux manifestants de se disperser et de rentrer chez eux. Ils ont bloqué les rues adjacentes pour empêcher d'autres protestataires de venir grossir la manifestation. Le Liban a organisé jeudi un adieu populaire à Pierre Gemayel, le ministre chrétien assassiné mardi, lors d'un immense rassemblement à Beyrouth que le camp antisyrien a transformé en démonstration de force contre l'opposition alliée de la Syrie. Une foule énorme, sous une marée de drapeaux libanais rouges et blancs frappés du Cèdre, s'est rassemblée sur la grande Place des Martyrs, dans le centre de la capitale, tout près de la cathédrale Saint-Georges des Maronites où a été célébrée la cérémonie des obsèques. Puis la foule a écouté les dirigeants antisyriens du Liban, défilant sur une estrade protégée d'une vitre pare-balles, lancer des diatribes contre la Syrie et promettre que cet assassinat ne resterait pas impuni. "Nous ne renoncerons pas tant que nous n'aurons pas traduit les meurtriers en justice", a affirmé l'ancien président Amine Gemayel, le père du défunt, avant de réclamer le départ du président libanais Emile Lahoud, un proche de Damas. Pierre Gemayel a rejoint "les autres martyrs (...) qui avaient refusé le régime de la tutelle, des tueries et des assassinats", a lancé le leader druze Walid Joumblatt, en allusion aux années de domination syrienne sur le Liban (1976-2005). Brandissant des portraits du défunt, la foule estimée à des centaines de milliers de personnes par les médias, avait convergé depuis le matin sur la Place des Martyrs, conspuant la Syrie, piétinant des portraits du président Lahoud et du chef de l'Etat syrien Bachar al-Assad. "Sortez l'agent de Bachar de Baabda", le palais présidentiel libanais, hurlait la foule. Une cérémonie dans la cathédrale a rendu hommage au ministre, dont le cercueil, a été porté à travers la foule, accompagné de la famille vêtue de noir, pour être déposé face à l'autel.