Les dirigeants des deux principaux partis politiques chiites du Liban ont réitéré vendredi leur menace d'organiser d'importantes manifestations contre le gouvernement, aggravant encore un peu la crise dans laquelle le pays est plongé après l'assassinat du ministre de l'Industrie Pierre Gemayel cette semaine. "Nous insistons sur notre droit légitime à demander une réelle participation au processus de décision politique", ont déclaré le chef du Hezbollah Cheikh Hassan Nasrallah et celui d'Amal, Nabih Berri, également président du Parlement, dans un communiqué conjoint. Selon eux, leurs deux partis possèdent le droit de veto au gouvernement. La tension est montée à Beyrouth après les manifestations de centaines de partisans du Hezbollah jeudi, qui ont brûlé des pneus et bloqué la route vers l'aéroport. Ces événements intervenaient suite aux funérailles de Pierre Gemayel, lors desquelles des centaines de milliers de personnes ont manifesté contre l'influence syrienne au Liban. Le Hezbollah est, lui, proche de Damas. Le gouvernement de Fouad Siniora devait cependant avancer sur un dossier samedi qui risque d'attiser encore la colère du Hezbollah. L'exécutif devait dans la journée donner son accord final à la création d'un tribunal international sous l'égide de l'ONU, chargé de juger les suspects dans l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri. La Syrie a été pointée du doigt dans l'attentat de février 2005. Depuis plusieurs semaines, le Liban est plongé dans une crise politique provoquée par l'échec de consultations nationales entre les différents courants politiques sur l'octroi à la minorité prosyrienne d'un pouvoir de blocage au sein du gouvernement. Les six ministres prosyriens du gouvernement - cinq chiites et un chrétien- ont démissionné. La perte de deux autres ministres entraînerait automatiquement la chute de l'exécutif. Le mouvement chiite avait menacé de faire descendre ses partisans dans la rue mais la mort du jeune ministre de l'Industrie l'avait contraint à différer les rassemblements. Selon des sources politiques, des manifestations pourraient être organisées la semaine prochaine à Beyrouth, la capitale, mais aussi dans plusieurs villes à travers le pays. L'opposition pourrait également appeler les fonctionnaires à faire grève et demander à ses députés de démissionner. Elle compte 57 députés au Parlement sur 128 sièges au total. Leur démission provoquerait la convocation d'élections partielles. Les partisans du Premier ministre, Fouad Siniora, accuse le Hezbollah de vouloir en réalité empêcher la mise en place d'un tribunal spécial international pour juger les meurtriers présumés de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri. "On se dirige vers un affrontement", a déclaré une source politique proche de l'opposition. "Il y a très, très peu d'espace pour une solution politique. Il n'y a pas d'autre option que de descendre dans la rue", a ajouté cette source. La situation au Liban est très volatile. Des centaines de manifestants chiites ont ainsi bloqué pendant plusieurs heures jeudi soir la route menant à l'aéroport international de Beyrouth pour dénoncer les insultes lancées, selon eux, contre leur leader Sayyed Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, lors des funérailles de Gemayel. Le dirigeant chiite a appelé en personne ses partisans à mettre fin à la manifestation. Lors des obsèques de Pierre Gemayel, fils de l'ancien président Amine Gemayel, des responsables sunnites, druzes et chrétiens s'en étaient pris au chef du Hezbollah et à son allié chrétien Michel Aoun. Ils avaient appelé l'opposition à réintégrer le gouvernement tout en réaffirmant qu'ils n'accéderaient pas à ses demandes. De nombreux libanais ont vu l'ombre de la Syrie derrière l'assassinat de Gemayel, opposant à l'influence de Damas dans son pays. Damas a démenti toute implication et a "condamné fermement l'assassinat". Siniora a convoqué samedi son gouvernement, réduit à la portion congrue, pour entériner le projet de tribunal spécial de l'Onu mais l'opposition conteste sa légitimité. Selon une source politique, l'appel de Siniora à la ratification du projet de tribunal spécial "ferme la porte à un compromis".