Les forces gouvernementales ont encore tué au moins trois manifestants, avant-hier, où des dizaines de milliers de manifestants ont de nouveau défilé en exigeant le départ du président Bachar al Assad, ont rapporté opposants et habitants. Deux des trois victimes ont été tuées quand les forces du régime ont tiré à balles réelles pour disperser les manifestants sortant de mosquées, à Koussaïr et Lattaquié, après les prières de l'Al Kadr. Dans la nuit et, avant-hier, matin, un nombre de rassemblements d'opposants plus grand qu'à tout moment depuis le début de la contestation en mars se sont formés dans l'agglomération de la capitale Damas, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme, qui cite des témoins. Devant la mosquée Al Rifaï, dans le quartier cossu de Kfar Soussa à Damas, des centaines de policiers et de miliciens ont attaqué les fidèles qui tentaient de manifester, à l'aube, alors que se terminaient les prières d'Al Kadr, ont déclaré des témoins. "Certains des agents sont montés sur le toit et se sont mis à tirer avec leurs fusils AK-47 pour effrayer la foule. Une dizaine de personnes ont été blessées", a indiqué un dignitaire religieux qui vit dans ce quartier, où se trouve le siège d'un des services de la police secrète. "Le peuple veut l'exécution du président", a-t-on entendu au cours d'une autre manifestation, à Hadjar al Assouad, faubourg de Damas où vivent des réfugiés du plateau du Golan occupé par Israël. Des rassemblements similaires ont été signalés dans d'autres faubourgs damascènes, notamment Douma et Kadam, dans des quartiers à l'intérieur même de la capitale, à Homs, ville natale de l'épouse d'Assad, ainsi que dans l'antique cité de Palmyre, mais aussi à Hama et sur le plateau méridional du Hauran. RESOLUTION BLOQUEE PAR MOSCOU ET PEKIN L'Observatoire syrien des droits de l'homme, que dirige l'opposant Rami Abdel Rahman, dit pour sa part que les forces syriennes ont ouvert le feu, avant-hier, lors d'obsèques qui s'étaient transformées en manifestation à Kfar Roumeh, dans la province d'Idlib (nord-ouest du pays), limitrophe de la Turquie. On dénombre une dizaine de blessés. A Idlib, ville du nord-ouest de la Syrie, des manifestants apparaissant sur une vidéo diffusée sur YouTube ont scandé: "La mort plutôt que l'humiliation." Un homme est mort par ailleurs lors de perquisitions dans des habitations à Kfar Nouboul, une ville proche de Kfar Roumeh. Selon les Nations unies, le bilan de la répression engagée par le régime contre le mouvement de contestation né en mars est de 2.200 morts. En outre, des dizaines de milliers de personnes ont été arrêtées depuis le début du soulèvement, et l'on est sans nouvelles de bon nombre d'entre elles, a déclaré Rami Abdelrahman. Depuis le début du ramadan le 1er août, les chars de l'armée ont pénétré dans les villes de Hama, Daïr az Zour et Lattaquié. La France, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l'Allemagne et le Portugal ont soumis au Conseil de sécurité des Nations unies un projet de résolution imposant des sanctions à Bachar al Assad et à certains de ses proches. Ces pays souhaitent organiser un vote rapidement mais, selon des diplomates occidentaux, la Russie et la Chine refusent même pour l'instant d'examiner le texte. La Russie, l'un des principaux fournisseurs d'armes de la Syrie, dispose en outre d'une base navale sur la côte méditerranéenne de ce pays. NABIL AL-ARABI EN MISSION DE BONS OFFICES A DAMAS Deux gros dossiers au menu de la réunion extraordinaire des chefs de la diplomatie des pays membres de la Ligue arabe, la Libye et la Syrie, avant-hier. Concernant Damas, la Ligue arabe a enfin trouvé un terrain d'entente. Le secrétaire général de l'organisation se rendra rapidement en Syrie pour transmettre un document de sortie de crise. Ni la date de la visite ni la teneur du message n'ont cependant été précisés. Ce document est le fruit d'un laborieux compromis. Après des heures de débats houleux le conseil des ministres des Affaires étrangères de la Ligue s'est résolu à envoyer le seul secrétaire général à Damas. Un compromis qui affaiblit nettement la portée de la mesure. De quoi donner raison aux centaines d'opposants syriens qui manifestaient devant le siège de la Ligue arabe au Caire alors que le conseil ministériel n'avait même pas commencé sa réunion. Des opposants qui estimaient que la Ligue et son secrétaire général étaient trop indulgents à l'égard du régime de Bachar el-Assad. Au départ il y a eu cette déclaration du secrétaire général de la Ligue arabe qui condamnait l'usage de la violence et de la répression sécuritaire contre les demandes populaires justifiées de réformes. Même si Nabil al-Arabi n'a pas nommé la Syrie cela semblait de bonne augure. Mais dès que le huis clos a été décrété, le représentant permanent de la Syrie a contre attaqué. Il a affirmé que le projet de la Ligue de dépêcher une délégation ministérielle à Damas pour tenter de "trouver une solution arabe à la crise et arrêter l'effusion de sang" était une ingérence dans les affaires intérieures.