Le patron du géant français du matériel adapte son organisation à l'essor des marchés asiatiques. Quand un patron du CAC 40 annonce que sa famille déménage à Hongkong, cela crée forcément des remous. Jean-Pascal Tricoire, le président du directoire de Schneider Electric, passe déjà beaucoup de temps en Asie, où le groupe réalise 26 % de son chiffre d'affaires et d'où, surtout, il tire la moitié de sa croissance. Compte tenu de l'importance stratégique de la zone, le dirigeant a prévu de s'y rendre encore plus souvent. D'où la décision de sa famille de déplacer son camp de base. "Cela ne changera rien à la gestion du groupe", martèle-t-on chez Schneider. Le siège social de Schneider reste à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine), et son conseil de surveillance continuera à se réunir en France sous la présidence d'Henri Lachmann. Il n'empêche. Ce choix domestique d'un patron du CAC 40 - le premier du genre - a valeur de symbole : il illustre l'inexorable redéploiement des ressources des grands groupes vers les pays émergents, au premier rang desquels la Chine et l'Inde. Or, avant même de parler d'investissements, l'une des ressources principales d'une entreprise réside dans ses équipes. Ce n'est pas un hasard si Jean-Pascal Tricoire a décidé en parallèle, comme il l'a annoncé en interne fin juillet, de "relocaliser" à Hongkong deux des membres de son comité exécutif : Karen Ferguson, directrice générale des ressources humaines, et Philipe Delorme, directeur général stratégie et innovation, jusqu'ici basés en Europe. Au total, sur les quatorze membres qui forment le "comex" du champion des réseaux intelligents et de l'énergie, cinq sont basés en Europe, cinq aux Etats-Unis et quatre en Asie. La guerre des talents Ce n'est pas un hasard non plus si les dirigeants dépêchés sur le nouveau "hub" de Hongkong pilotent les ressources humaines et la stratégie. Toutes les firmes internationales, de General Electric à Siemens, se livrent une guerre sans merci en Asie pour recruter les meilleurs talents. "Nous envoyons nos meilleurs éléments en Asie", reconnaît d'ailleurs le P-DG d'un autre groupe international. La bagarre fait rage également pour identifier et séduire les bonnes proies. L'enjeu est crucial pour Schneider, qui poursuit au pas de course une stratégie d'acquisitions ciblées. Entre mai et juin, le français a déboursé en moins de dix jours quelque 2 milliards d'euros pour ajouter dans sa trousse à outils une firme espagnole (Telvent), une indienne (Luminous) et une chinoise (Harvest Power Technologies). Alors que la reprise économique se fait attendre en Europe et aux Etats-Unis, le dynamisme des économies asiatiques attise les convoitises. L'ajustement auquel Schneider vient de procéder, sous l'impulsion du très sinophile Jean-Pascal Tricoire, pourrait donner des idées aux Air Liquide, Saint-Gobain et autres Lafarge. On est loin, toutefois, du violent coup de barre donné par le britannique HSBC. Le géant bancaire, dont le siège social est à Londres mais le berceau en Chine, a été le premier à délocaliser, début 2010, sa direction générale à Hongkong. Il vient d'enfoncer le clou, avec un plan stratégique qui prévoit 30 000 suppressions de postes d'ici à 2013, compensées en partie par 15 000 recrutements dans les pays émergents.