Amnesty International a accusé, hier, le régime de Mouammar Kadhafi de crimes contre l'humanité en Libye, mais pointe aussi du doigt les combattants du Conseil national de transition (CNT) pour avoir commis des abus qui, dans certains cas, constituent des crimes de guerre. Dans un communiqué, le CNT, issu de la rébellion contre le régime Kadhafi, a réagi en assurant qu'il était fermement engagé à faire respecter les droits de l'Homme et l'état de droit, à la fois international et local, les violations des droits n'ayant plus leur place en Libye. Dans un rapport de 122 pages dressant un constat accablant des exemples de violations par le régime du colonel Kadhafi, l'organisation de défense des droits de l'Homme note pourtant que le CNT ne semble pas disposé à punir les responsables des violations des droits de l'homme dans ses rangs. Le CNT est confronté à la tâche difficile de contrôler les combattants de l'opposition et les groupes d'autodéfense responsables de graves atteintes aux droits de l'homme, y compris d'éventuels crimes de guerre, mais se montre réticent à les tenir responsables, indique Amnesty. Les responsables de l'opposition avec lesquels Amnesty International a soulevé ces préoccupations ont condamné de tels abus, mais ont souvent minimisé leur ampleur et leur gravité, a déclaré l'organisation. Des pro-CNT ont enlevé, détenu arbitrairement, torturé et tué d'anciens membres des forces de sécurité, soupçonnés de loyauté envers Kadhafi, et capturé des soldats et des ressortissants étrangers soupçonnés à tort d'être des mercenaires se battant pour Kadhafi, indique Amnesty. Parmi les nombreux exemples de violations des droits humains, Amnesty évoque notamment un cas, au début de l'insurrection, où un certain nombre de soldats de Kadhafi capturés par les rebelles ont été battus à mort, au moins trois d'entre eux ont été pendus, et d'autres ont été abattus. Les responsables du CNT ont également peu fait pour corriger l'affirmation erronée selon laquelle les hommes originaires d'Afrique subsaharienne étaient des mercenaires, déplore Amnesty. Amnesty reconnaît cependant que les crimes de guerre commis par l'opposition ont été à moindre échelle que ceux du régime de Kadhafi. Le CNT condamne fermement tout abus de part et d'autre, a répondu le nouveau régime, soulignant que le rapport d'Amnesty était presque exclusivement empli des abus et des massacres du régime de Kadhafi, avec seulement un petit nombre d'incidents impliquant ses partisans. Le CNT met tous ses efforts pour faire entrer les groupes armés sous les autorités officielles et va enquêter de manière exhaustive sur tout incident signalé, ajoute le communiqué. Le rapport d'Amnesty, intitulé La bataille pour la Libye - assassinats, disparitions et tortures, est le document le plus récent faisant un compte-rendu détaillé des violations en Libye. Premier discours d'Abdeljalil à Tripoli Le chef du gouvernement intérimaire libyen, Moustafa Abdeljalil, a prononcé, avant hier soir, son premier discours public devant une foule de 10'000 personnes réunies à Tripoli, en insistant sur l'importance de l'islam pour la future législation. Les rebelles, tout comme le régime de Kadhafi, ont été accusés par Amnesty d'abus. "Nous devons instaurer un Etat de droit et de prospérité dans lequel la charia est la principale source réglementaire, ce qui exige de nombreuses conditions", a-t-il dit. M. Abdeljalil est arrivé à Tripoli samedi, pour la première fois depuis que Mouammar Kadhafi a été contraint de fuir la ville en août. Pas d'élections avant la "libération" Pour l'instant, le CNT a établi un calendrier prévoyant la rédaction d'une nouvelle Constitution et la tenue d'élections dans un delai de 20 mois à partir du moment où la Libye sera déclarée "libérée". Pour l'instant, cette notion de "libération" n'a pas été établie alors que plusieurs régions dans le sud du pays ainsi que trois villes importantes, Bani Walid, Syrte et Sabha, se trouvent toujours sous le contrôle des forces loyales à Kadhafi. Les forces du Conseil national de transition (CNT), issu de la rébellion, n'ont pas encore reçu l'ordre de lancer l'offensive sur Bani Walid. La topographie de cette ville étendue, avec ses nombreuses petites collines, rend difficile une avancée rapide. Craignant de nouveaux combats, des dizaines de civils fuyaient Bani Walid. Mais beaucoup étaient bloqués, faute d'essence pour quitter la ville en voiture, ont expliqué des habitants. Le président du Conseil national de transition (CNT) a appelé les combattants de son mouvement à ne pas se livrer à des représailles contre les partisans de l'ancien régime kadhafiste. L'envoyé du président russe en tournée africaine pour évoquer le sujet libyen Mikhaïl Marguelov, représentant spécial du président russe, visitera plusieurs pays africains, et ce depuis hier jusqu'au 18 septembre, pour évoquer les perspectives du règlement en Libye. M.Marguelov se rendra notamment au Maroc, au Niger, au Mali, en Mauritanie ainsi qu'au Liban. "L'objectif principal de ces visites est la collecte d'information sur la situation dans le monde arabe, ainsi que sur les intentions de prendre part au règlement de la crise libyenne", a déclaré le responsable avant d'ajouter que le Niger, le Mali et la Mauritanie figuraient sur la liste des pays qui avaient soutenu Mouammar Kadhafi.