Total a annoncé, avant-hier, qu'il allait fusionner ses branches, raffinage et pétrochimie, dans le monde et isoler la branche distribution (stations- services...), pour relancer des activités où les bénéfices sont faibles comparés à la lucrative exploration-production. Evoquée dès cet été par les syndicats et dans la presse, cette réorganisation majeure au niveau mondial était attendue et, selon une source proche de la direction, se fera sans plan social et sans licenciement. Ce qui laisse néanmoins la porte ouverte à des départs à la retraite non remplacés. Un comité de groupe européen a été convoqué le 10 octobre pour présenter le projet aux syndicats ainsi qu'aux instances représentatives françaises, belges et allemandes concernées, a indiqué un porte-parole de Total. Le groupe a refusé de préciser la part exacte de ses 93 500 employés qui seront concernés par cette réorganisation. Mais l'immense majorité (74.000 personnes) travaillent dans les branches concernées, selon le rapport annuel de Total. En France, où les activités visées sont ultradominantes, le géant emploie près de 35 000 personnes. Or la très grande partie des bénéfices de Total vient désormais de l'exploration-production (l'extraction et la vente du pétrole brut). Le reste (raffinage, chimie et distribution) représente moins de 20% des profits totaux, ressort-il des résultats du géant français. Le raffinage européen en particulier traverse depuis plusieurs années une période de crise avec des maigres marges et des surcapacités, alors que les Européens s'efforcent de réduire leurs consommations de pétrole et traversent un climat économique morose. Total, qui a fermé récemment l'activité de raffinage d'un site près de Dunkerque, s'est séparé de participations en Espagne et cherche à se débarrasser d'une raffinerie britannique, concentre encore la moitié de ses 24 raffineries en Europe, dont 5 en France. Plusieurs de ses concurrents européens ont déjà rapproché leurs activités de raffinage (traitement du pétrole brut) de leur chimie/pétrochimie, des activités qui utilisent les produits raffinés et se trouvent de toute façon à proximité des raffineries, soulignent les analystes. La major américaine ConocoPhilips est même allée plus loin cet été, en annonçant qu'elle allait se scinder en deux entreprises, l'une dans l'exploration-production et l'autre pour le reste. Un modèle que ne veut pas imiter Total: le groupe est et restera un groupe intégré, assure une source proche de la direction. L'objectif est de recentrer chacune des activités concernées autour d'un métier, d'une compétence de façon à rendre plus solides ses activités existantes et à renforcer ses perspectives de croissance et les enjeux sont industriels, affirme la même source. Les syndicats avaient, ces dernières semaines, exprimé leur inquiétude qu'un rapprochement raffinerie-pétrochimie n'entraîne à terme des suppressions d'emploi. Dans les fusions, un plus en font rarement deux, avait déclaré François Pelegrina, élu CFDT chez Total. Au niveau économique, il y a une logique industrielle et géographique, parce que les sites sont à côté des autres, observe Colette Lewiner, directrice du conseil en énergie au sein de Cap Gemini, interrogée sur le plan de Total. Quant aux stations-services, c'est devenu un métier complètement différent depuis dix ou quinze ans, dit-elle, en soulignant notamment la concurrence croissante des hypermarchés en France. Total, qui compte 17 000 stations-services dans le monde dont 4 200 en France, a dévoilé il y a deux semaines un projet de lancement dans l'Hexagone de 600 stations à bas prix sous la marque Total Access. Objectif: contrer Leclerc, Carrefour et consorts, qui vendent 60% du carburant en France, cinq fois plus qu'il y a 30 ans.