Un accord secret a été conclu entre les Etats-Unis et l'Otan en 2001 permettant à la CIA d'incarcérer des personnes soupçonnées de terrorisme en Europe, a révélé vendredi Dick Marty, le rapporteur spécial du Conseil de l'Europe. M. Marty estime que "les États-Unis ont voulu imposer une guerre sans règles contre le terrorisme" et "sa politique a débouché sur un désastre". Dans son 2e rapport sur les activités illégales de la CIA en Europe, le sénateur suisse affirme que des collaborations, tant "publiques" que "secrètes", se sont développées entre les Etats-Unis et leurs alliés de l'Otan sur la base d'un accord conclu le 4 octobre 2001. L'accord aurait également servi de "plate-forme pour des accords bilatéraux, eux aussi, bien entendu, secrets", selon M. Marty. Parmi les mesures spécifiques figuraient notamment des "autorisations de survol générales pour des vols militaires américains liés à des opérations contre le terrorisme" ainsi que la fourniture d'une "aide" aux Etats faisant l'objet de menaces terroristes. "Il subsiste aujourd'hui suffisamment d'éléments pour affirmer que des centres secrets de détention gérés par la CIA ont bien existé en Europe, entre 2003 et 2005, notamment en Pologne et en Roumanie", indique le sénateur suisse dans son rapport. "Par nos propres sources, provenant aussi bien des services de renseignements américains que des pays concernés, nous avons eu la confirmation, claire et détaillée, que ces deux pays ont bien abrité des centres secrets de détention dans le cadre d'un programme spécial de la CIA, mis au point par l'administration américaine au lendemain du 11 septembre 2001" précise-t-il. Il ajoute que ses informations sont "corroborées" par des données de mouvements aériens que la Pologne, notamment, "prétendait ignorer et que nous sommes à même de prouver grâce à différentes sources documentaires". Selon M. Marty, l'ex-président polonais Aleksander Kwasniewski "connaissait et a approuvé" le rôle de son pays dans les activités secrètes de détention exercés sur le territoire par la CIA. L'ancien président roumain Ion Iliescu a pour sa part négocié et signé le 30 octobre 2001 un accord avec les Etats-Unis prévoyant "une extension du volume et de la portée des activités américaines sur le sol roumain", notamment un régime d'accès spécial au territoire national. "Le personnel introduit dans le pays sous couvert de l'armée des Etats-Unis a depuis pu, en pratique, opérer sur le territoire roumain dans une complète liberté, sans aucun contrôle ni ingérence de la part de ses homologues nationaux", selon Dick Marty. Dans son premier rapport présenté en juin devant le Conseil de l'Europe, Dick Marty, 62 ans, ancien procureur général du canton suisse du Tessin, avait épinglé 14 Etats européens pour leur implication, voire leur collusion, concernant les vols secrets de la CIA. M. Marty affirme vendredi dans le Figaro que les Etats-Unis "ont voulu imposer une guerre sans règles contre le terrorisme" qui s'est avérée être "un désastre". De plus, cette "sous-traitance instaurée dans nos pays témoigne d'un manque de respect vis-à-vis des partenaires européens. C'est une attitude insultante", juge-t-il. Pour lui, "les terroristes présumés enlevés puis torturés et séquestrés dans des États voyous comme la Syrie ne disposent ni du droit civil, ni du droit de guerre. Ils sont devenus encore plus dangereux, car ils ont bénéficié ainsi d'un mouvement de sympathie dans certains milieux". Il juge que "l'erreur a été de ne pas les traiter pour ce qu'ils sont: des groupes criminels". M. Marty estime ainsi qu'en enlevant Abou Omar à Milan, "la CIA a saboté la lutte contre le terrorisme". Jeudi, six organisations de défense des droits de l'homme, ont publié les noms de 39 personnes vraisemblablement encore détenues dans ces prisons, alors même que le gouvernement américain affirme que les prisons de la CIA sont vides.