Connu jusqu'à présent pour son combat contre les prisons secrètes de la CIA, le rapporteur du Conseil de l'Europe Dick Marty s'attaque, dans son dernier rapport, à un autre aspect de la lutte antiterroriste : les listes noires de terroristes présumés. Cette pratique, utilisée par l'ONU et l'Union européenne, "bafoue les droits fondamentaux et décrédibilise la lutte internationale contre le terrorisme", affirme M. Marty dans son texte, qui doit être présenté, lundi 12 novembre, devant une commission du Conseil de l'Europe. Les personnes ou les sociétés inscrites sur ces listes noires sont la cible de sanctions individualisées, comme le gel de leurs avoirs ou l'interdiction de se rendre à l'étranger. Le sénateur suisse dénonce l'absence de "droits de la défense" pour les personnes listées en soulignant que "la procédure ne prévoit aucune garantie" à leur égard, contrairement aux conventions internationales et européennes ratifiées par l'ensemble des pays concernés. "Les conséquences peuvent être dramatiques sur la vie personnelle et professionnelle", s'insurge le rapporteur, qui cite le cas "kafkaïen" de Youssef Nada, homme d'affaires italien d'origine égyptienne, âgé de 78 ans, et établi depuis trente ans en Suisse. Un temps soupçonné d'avoir financé les attentats du 11-Septembre, innocenté au terme d'une enquête de quatre ans, M. Nada est toujours inscrit sur la liste noire du Conseil de sécurité de l'ONU, privé de ses biens et du droit de voyager. Dick Marty rappelle que "souvent, un pays propose d'inclure une personne sur la liste sans fournir des raisons détaillées au comité de sanctions". Celui-ci "donne son accord sans entendre, ni même en informer l'intéressé", déplore le rapport. Le document suggère que les "listés" soient avisés et informés des accusations portées, qu'ils puissent assurer leur défense et saisir une instance indépendante, et enfin être indemnisés en cas de violation injustifiée de leurs droits. Il propose aussi une procédure de "dé-listing" permettant, en cas d'innocence, de retirer un nom de la liste. "Or, et c'est franchement un comble, une telle procédure n'existe pas", observe M. Marty. Actuellement, "il reste presque impossible de se faire retirer d'une liste noire", une situation "illégale et inacceptable" pour M. Marty.