En matière de sécurité, surtout depuis les attentats sur le sol américain de septembre 2001, rien ne se fait sans le consentement des plus hautes autorités. C'est le constat qui a été fait dès le début de l'enquête européenne sur les fameux sites noirs de la CIA, ces fameuses prisons sur le sol européen, où tout était autorisé, sans la moindre possibilité de recours, puisque ces lieux de détention secrets échappaient à toute juridiction. La lumière était faite sur ce dossier qui a d'ailleurs suscité de nombreux pays mis en cause. Mais les faits semblent accablants et l'auteur de ce rapport est considéré comme étant au-dessus de tout soupçon. Aussi y apprend-on, quatorze pays européens y ont été épinglés pour leur implication dans les vols secrets de la CIA et, dans le cas de la Pologne et de la Roumanie, pour avoir probablement abrité des centres de détention clandestins pour des islamistes soupçonnés de terrorisme. Dénonçant le « sacrifice » des droits de l'homme au nom de la lutte contre le terrorisme, le parlementaire suisse du Conseil de l'Europe Dick Marty rend compte dans ce rapport de l'extension en Europe de la « toile d'araignée » mondiale mise en place par les Etats-Unis pour capturer, transférer et détenir des suspects hors de tout cadre légal, depuis les attentats du 11 septembre 2001. « Il est désormais clair - même si on est encore loin d'avoir pu établir toute la vérité - que les autorités de plusieurs pays européens ont activement participé, avec la CIA, à des activités illégales, que d'autres ont ignorées en connaissance de cause, ou n'ont pas voulu savoir », indique M. Marty dans son rapport présenté hier à Paris. Le rapport met en cause, pour « violations des droits de la personne » lors de transfèrements illégaux, les sept pays suivants : Suède, Bosnie-Herzégovine, Royaume-Uni, Italie, l'ancienne république yougoslave de Macédoine, Allemagne et Turquie. Il cite notamment le cas de l'imam Abou Omar enlevé en Italie en 2003 par des agents de la CIA pour être remis aux autorités égyptiennes. « D'autres Etats peuvent être tenus pour responsables de collusion - active ou passive - en matière de détentions secrètes et de transferts interétatiques illégaux » : Pologne, Roumanie, Espagne, Chypre, Irlande, Portugal, Grèce. « Nous ne connaissons encore qu'une partie seulement de la vérité et d'autres pays pourraient encore être concernés lors de prochaines recherches ou révélations », selon ce rapport de 67 pages rédigé après sept mois d'enquête. La Roumanie et la Pologne sont fortement soupçonnées d'avoir abrité des centres de détention secrets de la CIA (Agence centrale de renseignement), même si M. Marty indique en « avoir aucune preuve formelle ». Ces pays ont démenti avoir abrité de tels centres. « Si des preuves au sens classique du terme ne sont pas encore disponibles, de nombreux éléments, cohérents et convergents, indiquent que de tels centres ont bel et bien existé en Europe », souligne M. Marty. « Il appartient désormais aux autorités polonaises et roumaines de procéder à une enquête indépendante et approfondie et d'en rendre public le résultat », a-t-il dit. En janvier, les etats-Unis avaient déjà rejeté les premières conclusions du parlementaire suisse sur les activités secrètes de la CIA en Europe. Le rapport de M. Marty sera débattu le 27 juin à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Le Parlement européen mène de son coté une enquête parallèle sur cette affaire révélée en 2005 par des médias américains et des ONG.