Sanofi doit étoffer son portefeuille de médicaments pour pouvoir se hisser à des niveaux de valorisation comparables à ses pairs, mais il lui faudra du temps, estiment des analystes. Le laboratoire français, ébranlé par les revers de l'anti-arythmique Multaq et de l'anticancéreux Iniparib, n'a mis ces cinq dernières années que deux produits nouveaux sur le marché (Multaq et Jevtana, dans le cancer de la prostate). Il envisage de lancer 19 médicaments d'ici à 2015, dont six l'an prochain, mais prévient qu'il n'en attend pas plus de 5% à 7% de contribution aux ventes à cet horizon. Des "minibusters", ironisent certains analystes, toutefois disposés à accorder du temps à un groupe qui a nommé à la tête de sa recherche Elias Zerhouni, un scientifique mondialement reconnu. Depuis cette nomination, le régulateur européen a cependant restreint l'usage du Multaq, et l'Iniparib s'est avéré un échec dans la dernière phase de son développement. "Sanofi a réalisé de sensibles progrès pour améliorer la rentabilité de sa recherche mais nous n'en connaîtrons les résultats que dans huit ou neuf ans. Nous devons accepter un cycle de développement long", résume Michael Leacock, analyste chez RBS. Le groupe a annoncé cette année plusieurs résultats positifs de phase III, concernant notamment Lemtrada et Aubagio (sclérose en plaques), Zaltrap (cancer colorectal), Visamerin/Mulsevo (prévention des thromboses veineuses) et Lyxumia (diabète de type II). C'est ce dernier que les analystes jugent le plus prometteur, avec un potentiel de ventes qu'ils estiment à environ 600 dollars dans 10 ans. Une transition difficile à gérer "Voilà une cohorte de produits petits à moyens qui ne suffiront pas à transformer le groupe, mais au moins on n'a plus de risque (du type de celui de la pilule anti-obésité) Acomplia où tout à coup un produit est susceptible de peser 15% à 20% des ventes et de provoquer de gros écarts sur le cours de Bourse", relativise un expert du secteur. Trois ans après l'échec de l'Acomplia et l'arrivée du directeur général Chris Viehbacher, Sanofi a engagé une stratégie pour trouver des relais de croissance qui ne dépendraient pas de sa recherche et surtout pas des 'blockbusters', ces médicaments capables de réaliser plus d'un milliard de dollars de ventes. Aiguillonné par la perte de ses grands brevets, le groupe a drastiquement réduit ses coûts, procédé à un vaste nettoyage de son portefeuille de projets et réalisé une vingtaine d'acquisitions dépassant 23 milliards d'euros, dont le rachat pour 14,8 milliards de la biotech américaine Genzyme. Ces efforts lui permettent aujourd'hui de prévoir une croissance moyenne de ses ventes d'au moins 5% d'ici à 2015, et une augmentation de son bénéfice net par action supérieure à celle du chiffre d'affaires. Chez Bryan Garnier, Eric Le Berrigaud estime que les six prochains lancements du groupe ont un potentiel "de l'ordre de quatre milliards d'euros en pic complet à la fin de la décennie, avec un levier supplémentaire sur Lemtrada s'il se révèle être sûr"."Est-on prêt à payer 'upfront' l'histoire du nouveau Sanofi qui naîtra en 2013, alors que l'on a encore deux années délicates à franchir ?", se demande-t-il cependant. Le titre Sanofi, qui a perdu 13% en 2010, en regagne 3,5% environ depuis le début de l'année. L'action se négocie avec un ratio moyen cours/bénéfice (PER) attendu de près de sept, contre 9 pour le secteur européen. "Il y a une belle histoire de reprise boursière à jouer mais elle ne va pas se matérialiser rapidement. Le gros enjeu est de gérer la transition entre la mort des grands produits, la montée en puissance des produits issus du pipeline et les relais de croissance liés à la stratégie, tels que la diversification ou les pays émergents", commente un analyste bancaire. Karl Heinz Koch, d'Helvea, relève que "la plupart de leur produits sont secondaires et ne sont pas des premiers de la classe". Pour lui, les portefeuilles de Bayer et Novartis sont meilleurs que celui de Sanofi, lequel est comparable à ceux de Roche et de GlaxoSmithKline, et similaire mais meilleur que ceux de Merck et AstraZeneca. Béatrice Muzard, chez Natixis, concède que "Sanofi remonte un peu la pente en termes de développement", mais estime que le groupe "est encore loin d'égaler les très bons élèves comme Roche, Novartis et même Glaxo". "Ce n'est pas pour le pipeline que l'on conseille d'acheter le titre", ajoute-t-elle. "Ce qui nous motive, c'est la visibilité de croissance et le fait que le groupe a sécurisé une croissance d'au moins 5%, un niveau qu'il dépassera car plus de 60% du chiffre d'affaires progresse à deux chiffres."