Les Camerounais ont commencé à voter, hier, pour un scrutin présidentiel à un tour qui a commencé en retard dans la plupart des 24 000 bureaux et qui semble promis au président sortant Paul Biya, au pouvoir depuis 1982. Paul Biya, qui brigue un sixième mandat, a face à lui 22 autres candidats dont son opposant historique John Fru Ndi, son seul véritable challenger. A Yaoundé, dans le bureau du quartier Ekié, le matériel électoral n'est arrivé que vers 08h00 (0H700 GMT), heure théorique de l'ouverture du bureau alors que quelques électeurs attendaient déjà dans la cour. Le premier votant n'a pu déposer son bulletin dans l'urne qu'à 08h35. A Douala, le vote a commencé vers 09h00 au bureau de l'école New Bell-Commissariat alors que plusieurs bureaux importants avaient pris encore plus de retard dans leur ouverture. "J'ai l'impression que les choses se déroulent dans le calme malgré le léger retard", a affirmé Noa Etienne, un professeur de mathématiques et le premier à voter à Ekié. "J'espère que tout va bien se passer dans la transparence et que le meilleur va l'emporter. Je tiens à signaler que l'encre n'est pas indélébile", a-t-il fait observer, montrant un de ses doigts où l'encre avait complètement disparu moins de 2 minutes après son vote. Les 24.000 bureaux de vote du pays doivent fermer à 18 heures et les opérations de dépouillement, publiques, démarreront immédiatement. La Cour suprême dispose de 15 jours au plus pour publier les résultats, les procès-verbaux des différents départements du pays devant lui être transmis dans un délai de dix jours. L'opposition accuse M. Biya d'avoir verrouillé le système électoral à son avantage. Plus de 6.000 structures d'observations des élections et près de 600 journalistes ont été accrédités. "Cette élection présidentielle ne se soldera pas par une alternance parce qu'il apparaît que l'ensemble du dispositif a été organisé avec la perspective de reconduire le président sortant (Biya)", a analysé cette semaine le politologue camerounais Mathias Nguini Owona. Les deux principales inconnues du scrutin semblent être le taux de participation qui s'annonce faible ainsi que la possibilité de troubles post-électoraux. Avec 7 millions d'électeurs inscrits, l'abstention s'annonce cependant importante, tant l'issue du scrutin semble évidente. La campagne électorale qui s'est achevée, hier soir, s'est d'ailleurs déroulée dans une relative indifférence. Le contexte social et politique est très tendu. Les mesures de sécurité ont notamment été renforcées à Yaoundé et Douala (sud), la capitale économique. Redoutant des violences à l'issue de ce scrutin, certains Camerounais ont fait des provisions pour ne pas avoir à sortir de chez eux.. En février 2008, des ruptures de stocks d'aliments et de pain avaient été enregistrées pendant les émeutes contre la vie chère et contre le projet de suppression de la limitation du nombre de mandats présidentiels, adopté quelques semaines plus tard. La répression des émeutes avait coûté la vie à 40 personnes, selon un bilan officiel, au moins 139 d'après des ONG. Le 29 septembre, des coups de feu ont été tirés depuis le pont sur le fleuve Wouri à Douala pour exiger le départ de M. Biya. Un tiers des 20 millions d'habitants n'a pas accès à l'eau potable et à l'électricité. Une personne sur quatre vit avec moins de 1,1 euro par jour. Le taux de croissance du pays (3,2% en 2010) considéré comme un des plus corrompus au monde, est le plus faible de la sous-région malgré des richesses minières.