Mahmoud Abbas est à Paris où il avait rendez-vous, hier, avec Nicolas Sarkozy. Le président palestinien poursuit une tournée internationale visant à défendre la demande d'adhésion d'un Etat de Palestine à l'ONU. Au même moment, Hamas vient de s'entendre avec Israël pour un vaste échange de prisonniers: un millier de Palestiniens contre le soldat israélien Gilad Shalit, qui possède également la nationalité française. La nouvelle a surpris tout le monde, ce mardi 11 octobre, lorsque le gouvernement israélien et les dirigeants du Hamas ont simultanément annoncé avoir conclu un accord d'échange de prisonniers, grâce à la médiation de l'Egypte. Si tout se passe comme prévu, dans les prochains jours, 1 027 détenus palestiniens sortiront des prisons israéliennes et Gilad Shalit, capturé en juin 2006 à la lisière de la bande de Gaza, sera rendu aux siens. En se décidant à libérer son seul otage, le Hamas a réussi un coup d'éclat : il se replace au centre du jeu alors qu'il semblait sur la touche, ces dernières semaines, au moment du dépôt de la demande palestinienne de reconnaissance d'un Etat aux Nations unies. Dans son bureau de Ramallah, Mahmoud Labadi note qu'Israël comme le Hamas avaient intérêt à conclure : " Israël est isolé dans le monde et le Hamas aussi est isolé ", note ce cadre du Fatah, ancien secrétaire général du Parlement palestinien. Mahmoud Abbas à la tribune de l'ONU La libération d'un millier de détenus (sur un total compris entre 6 000 et 7 000) aura un impact profond sur la société palestinienne où la figure du prisonnier est un pilier du mouvement national. Un point pour le Hamas, alors que dans le camp de Mahmoud Abbas on savoure encore le succès populaire du discours prononcé par le président palestinien à la tribune de l'ONU, le 23 septembre dernier. Ce jour-là, Mahmoud Abbas n'a pas cédé, annonçant qu'il venait de remettre la demande officielle de la Palestine comme 194e Etat membre de l'ONU, malgré les pressions internationales et surtout américaine. Cette détermination a surpris et conquis un grand nombre de Palestiniens, plutôt habitués ces dernières années, aux reculades et aux atermoiements de leurs dirigeants. " J'étais très ému, franchement j'ai failli pleurer, c'était un sentiment très fort, confie Zyad, un étudiant palestinien rencontré dans le centre de Ramallah. Son attitude, sa fermeté, c'est un honneur pour le peuple palestinien. J'espère que les autres pays ne vont pas nous laisser tomber. " La démarche de Mahmoud Abbas à l'ONU a été critiquée par le Hamas, ce qui n'empêche pas l'un de ses députés, Ayman Daragmeh, de parler d'un discours " excellent ". " Je doute que nous obtenions l'admission de notre Etat à l'ONU car les Américains ont menacé à plusieurs reprises d'utiliser leur veto, poursuit le parlementaire qui a connu les prisons israéliennes après son élection en 2006. Mais au moins, c'est la première fois que nous voyons notre président essayer de résister aux pressions américaines. " Réconciliation sans effets Au printemps dernier les deux grandes factions palestiniennes, Hamas et Fatah, ont signé un accord de réconciliation. Mais il n'a toujours pas été appliqué dans les faits. La guérilla diplomatique de l'Autorité palestinienne et le succès politique que représente pour le Hamas l'échange de prisonniers avec Israël permettent aux rivaux palestiniens d'engranger du soutien dans leur propre opinion. A l'heure où le printemps arabe déstabilise les dirigeants de la région, les deux grandes familles politiques palestiniennes ont paradoxalement réussi à rétablir leur crédibilité, alors qu'elles semblaient à la peine ces dernières années, à Ramallah comme à Gaza. Reste à savoir si cet " automne palestinien " peut déboucher sur autre chose qu'une vaine course à la légitimité.